Dans un mouvement inédit pour structurer l’économie informelle, l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) a lancé, depuis le 5 mai, un programme d’accompagnement destiné à 60 femmes gestionnaires de restaurants populaires, communément appelées « mamans Malewa » à Kinshasa. Cette initiative, clôturée officiellement le 2 mai dernier, marque une étape cruciale dans la formalisation d’un secteur longtemps marginalisé, représentant près de 80% de l’activité économique en République Démocratique du Congo selon la Banque Centrale.
Un pont entre informel et formel : les dessous d’une transition stratégique
Pendant un mois, l’ANAPI a mené une campagne de sensibilisation pour convaincre ces entrepreneures de l’ombre de rejoindre le secteur structuré. Le guichet unique de création d’entreprises a servi de levier pour régulariser leurs activités, leur offrant ainsi une existence légale. « La sécurité juridique et l’accès aux financements sont désormais à leur portée », explique Rachel Pungu Luamba, Directrice Générale de l’ANAPI. Une avancée majeure dans un pays où seules 15% des PME sont enregistrées officiellement d’après le rapport 2023 de la Banque Mondiale.
Des retombées en cascade sur l’écosystème économique
Au-delà des avantages individuels, cette formalisation promet des impacts macroéconomiques tangibles. Chaque restaurant Malewa génère en moyenne 5 emplois directs selon les estimations de l’ASBL « Action pour le développement durable », partenaire du projet. À l’échelle nationale, l’intégration de ces 60 entreprises pourrait donc créer 300 emplois formels, une bouffée d’oxygène dans un marché du travail où le chômage frappe 46,1% de la population active (INS, 2024).
Rachel Pungu Luamba précise : « L’État y gagne un meilleur contrôle qualité des services et une assiette fiscale élargie. Pour chaque activité formalisée, c’est un maillon supplémentaire dans la chaîne de valeur économique nationale. » Un argument qui résonne fort dans un contexte où le secteur informel priverait le trésor public de près de 600 millions USD annuels selon le FMI.
Témoignages et défis : le parcours combattant des mamans Malewa
Ntumba Tshiko Calbanie, tenancière à Barumbu, incarne cette transition réussie : « Avant, j’opérais dans la peur des contrôles. Aujourd’hui, j’ai un registre de commerce et je négocie un crédit pour moderniser mon local. » Son enthousiasme ne masque pas les obstacles persistants : coûts de conformité, complexité administrative résiduelle, et mentalités à faire évoluer parmi les 15 000 estimées « mamans Malewa » que compte la capitale.
Un modèle reproductible pour d’autres secteurs-clés ?
L’ANAPI mise sur un effet boule de neige. En collaborant avec des institutions financières et des bailleurs de fonds, l’agence veut faire de ce projet pilote un blueprint pour d’autres métiers informels – des vendeuses de rue aux artisans. Reste à savoir si les mécanismes de soutien (microcrédits à taux préférentiels, formations managériales) suivront assez vite pour consolider ces gains fragiles.
Cette initiative pose une question cruciale : et si la formalisation massive des micro-entreprises devenait le véritable moteur de l’émergence économique congolaise ? Avec 72% des Congolaises actives dans l’informel selon ONU Femmes, l’autonomisation économique des femmes pourrait réécrire les règles du jeu développemental.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
