Une crise silencieuse dans le Nord-Kivu
La zone de santé de Biena, au cœur du territoire de Lubero (Nord-Kivu), traverse une crise sanitaire inquiétante : seulement sept sages-femmes assurent actuellement les accouchements dans cette région qui en nécessiterait trois fois plus. Cette révélation du Dr Demetrio Thembo Kipisa, médecin directeur de l’Hôpital général de référence de Mambowa, intervient alors que la RDC enregistre l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde – 473 décès pour 100 000 naissances selon les dernières estimations de l’OMS.
Un maillon essentiel en voie de disparition
« Comment expliquer qu’une profession sauveant des vies chaque jour soit si méconnue ? » interroge le Dr Thembo, comparant le rôle des sages-femmes à « des phares dans la tempête pour les femmes enceintes ». Le déficit criant de ces professionnelles – formées pendant 3 à 4 ans dans des instituts spécialisés – expose quotidiennement des centaines de parturientes à des risques accrus d’hémorragies, d’infections ou de complications obstétricales non prises en charge.
Une bombe à retardement sanitaire
La situation s’aggrave dans un contexte où 35% des structures de santé de la région ont fermé leurs portes ces deux dernières années selon des ONG locales. Les combats récurrents entre groupes armés ont provoqué un exode massif du personnel soignant, transformant certains centres de santé en « coquilles vides » selon les habitants. Résultat : chaque sage-femme de Biena doit gérer jusqu’à 15 accouchements par jour, bien au-delà des normes recommandées par le ministère de la Santé.
Un appel à la mobilisation générale
Face à cette urgence, le Dr Thembo lance un vibrant plaidoyer : « C’est aux parents congolais qu’on doit d’abord s’adresser. Orienter nos jeunes vers ces formations, c’est investir dans la protection de nos mères, de nos sœurs ». Il souligne les opportunités professionnelles dans un pays où seulement 42% des accouchements sont assistés par du personnel qualifié – un chiffre qui chute à 28% en zone rurale selon le PNUD.
Des solutions concrètes à portée de main
Trois axes d’action se dégagent pour sortir de l’impasse :
- Créer des bourses d’études ciblées pour les élèves sages-femmes
- Renforcer la sécurisation des centres de santé périphériques
- Lancer des campagnes de sensibilisation sur l’importance de cette profession
« La santé maternelle n’est pas une ligne budgétaire, c’est le socle de notre avenir national », conclut le médecin, rappelant qu’investir dans les sages-femmes, c’est protéger deux vies à chaque intervention. Alors que la RDC s’est engagée à réduire de 40% sa mortalité maternelle d’ici 2030, la réponse à la crise de Biena pourrait servir de test décisif pour l’ensemble du système de santé congolais.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net