Dans le territoire de Beni, une lueur d’espoir se dessine pour les services sociaux. Ce mardi 6 mai, la MONUSCO a officiellement lancé les travaux d’un bâtiment destiné à regrouper les services du genre, famille et enfant, les affaires sociales et le bureau de la Jeunesse. Un projet à 47 860 USD, financé par la mission onusienne, qui promet de transformer l’accueil des populations vulnérables. Mais derrière les cérémonies, que représente réellement cette initiative pour une région meurtrie par des années de conflits ?
« Avant, nous travaillions dans des locaux exigus, parfois sans fenêtres. Comment accueillir une mère victime de violences dans de telles conditions ? » interroge Bernadette Kahindo Mbamulyakoki, cheffe du bureau genre, famille et enfant. Sa voix porte une émotion palpable lorsqu’elle décrit le futur bâtiment : trois mois de travaux, une main-d’œuvre 100% locale, et surtout une salle de réunion pouvant accueillir 30 personnes. « Enfin, nous aurons un espace digne pour former les jeunes et écouter les femmes », souligne-t-elle.
Ce projet dit « à impact rapide » cache cependant des enjeux plus profonds. Depuis une décennie, les structures étatiques de Beni fonctionnent avec des moyens dérisoires. Les divisions chargées de protéger les enfants-soldats ou d’accompagner les survivantes de violences sexuelles opèrent souvent sans électricité ni confidentialité. Un paradoxe dans une province où les besoins explosent : entre 2022 et 2023, les signalements de violences basées sur le genre ont augmenté de 37% selon les ONG locales.
La MONUSCO mise ici sur un effet boule de neige. En regroupant trois services clés sous un même toit, l’ONU espère faciliter le travail transversal. Exemple concret : une adolescente enrôlée de force par des milices pourra désormais rencontrer un psychologue, un assistant juridique et un agent de réinsertion sans parcourir la ville. Reste à savoir si l’approche résistera aux réalités du terrain. « Les bâtiments ne suffisent pas », tempère un travailleur social sous couvert d’anonymat. « Sans budget récurrent pour le carburant des véhicules d’intervention ou les médicaments des survivantes, même un palais restera vide. »
L’autre pari est celui de l’appropriation communautaire. En employant exclusivement des ouvriers du territoire, la MONUSCO tente de dissiper les critiques récurrentes sur son empreinte économique. Une stratégie payante ? Sur le chantier visité par Congo Quotidien, les avis divergent. « Ce salaire me permet de scolariser mes deux filles », confie Anselme, maçon depuis 15 ans. Mais quelques mètres plus loin, un groupe de jeunes lance : « Trois mois de travail, et après ? On retourne au chômage ? »
Le calendrier serré – livraison prévue en août – suscite aussi des interrogations. Les pluies diluviennes de la saison humide pourraient-elles compromettre les délais ? Les matériaux choisis résisteront-ils à l’humidité tropicale ? Autant de questions qui pèsent sur la durabilité réelle de l’infrastructure.
Malgré ces incertitudes, le symbole reste fort. En dotant Beni d’un pôle social moderne, la communauté internationale envoie un signal aux autorités congolaises. Un rappel que la protection des civils passe aussi par l’investissement dans l’appareil étatique. Reste maintenant à transformer le béton en actions concrètes. Car comme le murmure une activiste locale : « Les murs n’entendent pas les cris des victimes. Seules des équipes formées et motivées le peuvent. »
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net