Dans le secteur des Wanianga au territoire de Walikale, une course contre la montre se joue pour contrer un ennemi silencieux : la malnutrition chronique. Les récentes révélations des experts locaux pointent un paradoxe troublant – l’abandon des champs fertiles pour les puits miniers aurait fragilisé la sécurité alimentaire de toute une région.
Comment en est-on arrivé à ce que des terres arables deviennent secondaires face à l’appât des minerais ? Les ingénieurs agronomes reconnaissent aujourd’hui leur responsabilité dans ce déséquilibre. Pendant que 63% des adultes valides migraient vers les sites d’extraction artisanale, les cultures vivrières tombaient en jachère. Résultat : une chute vertigineuse de 40% de la production agricole sur cinq ans selon les estimations locales.
Le Dr Akilimali Bamwisho Descartes, chef de secteur, compare la situation à « un corps qui négligerait son cœur pour ne nourrir que ses muscles ». Une analogie frappante qui résume le dilemme entre rentabilité minière immédiate et souveraineté alimentaire durable. Son plan de relance agricole – 20 hectares dédiés au maïs et manioc – apparaît comme un premier remède à cette crise systémique.
Mais pourquoi privilégier ces deux cultures ? Le maïs, avec son cycle de croissance de trois mois, offre une réponse rapide aux carences nutritionnelles. Le manioc, quant à lui, agit comme une « assurance vie » agricole – résistant aux aléas climatiques et fournissant des glucides complexes essentiels. Combinés, ils pourraient couvrir 70% des besoins énergétiques de base d’un ménage moyen.
La stratégie inclut un volet éducatif crucial. Les techniciens agricoles vont devoir réapprendre aux populations les techniques de rotation culturale et de gestion raisonnée des sols. Un défi de taille dans une zone où l’exploitation minière artisanale a modifié les priorités économiques.
Le projet pilote sur 20 hectares servira de démonstrateur. Imaginez un laboratoire à ciel ouvert où chaque hectare de maïs pourrait nourrir 50 enfants pendant six mois. Ou où les tubercules de manioc transformés en farine fortifiée deviendraient un bouclier contre le kwashiorkor, cette forme grave de malnutrition protéique.
Reste la question centrale : comment concilier activités minières et renaissance agricole ? Le chef de secteur esquisse une piste : « Les revenus du sous-sol doivent irriguer le sol ». Une vision où l’agriculture redevient un investissement stratégique plutôt qu’une activité de subsistance.
Pour les familles, l’enjeu est concret. Adopter des semences améliorées, maîtriser les techniques de conservation des récoltes, diversifier les apports nutritionnels – autant de compétences qui feront la différence entre simple survie et véritable résilience alimentaire.
Les prochains mois seront déterminants. Si ce projet atteint ne serait-ce que 60% de ses objectifs, il pourrait réduire de moitié les cas de malnutrition aiguë chez les moins de cinq ans d’ici deux ans. Une lueur d’espoir pour les 15 000 enfants actuellement à risque dans le secteur.
La leçon est claire : en RDC, la richesse ne se trouve pas seulement sous terre. Elle pousse aussi à la surface, à condition de lui accorder l’attention et les investissements qu’elle mérite. Le pari de Walikale pourrait bien inspirer d’autres régions confrontées au même dilemme entre mines et nourriture.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
