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Nord-Kivu : À Oicha, des adolescentes armées de savoir contre les milices et les fausses informations

Dans les rues poussiéreuses d’Oicha, au Nord-Kivu, un souffle d’espoir tente de percer l’épaisse brume de l’insécurité. Lundi 5 mai, une dizaine de jeunes filles se sont rassemblées, le regard déterminé, pour une séance de sensibilisation sur leurs droits, leurs devoirs, et surtout, sur les armes à opposer à la désinformation qui gangrène leur quotidien. Une initiative du Parlement des jeunes du territoire de Beni, qui résonne comme un acte de résistance dans une région meurtrie par des années de conflits armés.

« Comment construire son avenir quand les rumeurs et les manipulations deviennent notre pain quotidien ? », interroge Grace Kathya Vingi, première vice-présidente de cette structure juvénile. Son constat est sans appel : dans un contexte où les groupes armés sèment la terreur, l’autonomisation des jeunes filles passe aussi par la maîtrise de l’information. « Nous voulons qu’elles comprennent qu’elles ont le pouvoir de refuser les antivaleurs et de créer leurs propres opportunités », insiste-t-elle, la voix portée par une conviction qui contraste avec le vacarme des motos-taxis environnantes.

Cette rencontre n’est pas un coup d’essai. Elle s’inscrit dans le prolongement des activités du 8 mars dernier, où le Parlement avait déjà mis l’accent sur la force féminine juvénile. Un mois dédié aux droits des femmes, mais qui, ici, se heurte à une réalité implacable : comment célébrer l’émancipation quand des milliers de familles vivent sous la menace permanente des milices ? La réponse des organisateurs tient en un mot : persévérance. « L’autodépendance économique est notre bouclier », lance une participante de 17 ans, les mains agrippées à un cahier où elle a consigné des idées de microprojets.

Le programme de la journée mêlait habilement théorie et concret. Aux côtés des rappels sur la citoyenneté active, des ateliers pratiques ont montré comment transformer un savoir-faire local en source de revenus. Une approche cruciale dans un territoire où près de 60% des jeunes survivent grâce à l’économie informelle. « Leur apprendre à distinguer une information vérifiée d’une rumeur, c’est aussi les protéger contre l’exploitation », souligne un enseignant présent sur place, sous couvert d’anonymat.

Mais cet élan rencontre des obstacles colossaux. À Mayimoya et Mbau, où des séances similaires ont eu lieu, les participantes évoquent un dilemme cornélien : « Doit-on privilégier la sécurité immédiate ou le combat pour nos droits à long terme ? ». La question plane tel un couperet sur les ambitions du Parlement des jeunes. Pourtant, les organisateurs refusent de baisser les bras. « Chaque fille formée devient un relais dans sa communauté », argue Grace Kathya, rappelant que trois localités ont déjà été touchées par ce projet.

En filigrane de ces efforts se profile un enjeu sociétal majeur : la reconstruction d’un tissu social déchiré par près de deux décennies de violences. Les promoteurs de l’initiative y voient une forme de résilience collective. « Quand une jeune fille apprend à décrypter l’information, elle protège toute sa famille des manipulations », analyse un acteur local de la société civile. Une lueur d’espoir dans une région où, selon les Nations Unies, plus de 300 000 personnes sont déplacées internes.

Reste que le chemin vers l’autonomie réelle semé d’embûches. L’accès limité à internet, le taux d’analphabétisme élevé chez les filles (45% selon une récente étude locale), et la méfiance envers les institutions compliquent la lutte contre la désinformation. « Notre prochain combat ? Obtenir des espaces sécurisés où les filles peuvent échanger sans crainte », confie Grace Kathya, déjà tournée vers l’avenir.

Alors que le soleil décline sur Oicha, les participantes quittent la salle avec dans leur sillage des rires étouffés et des discussions animées. Certaines évoquent des projets de coopératives agricoles, d’autres rêvent de créer des cellules de vérification des rumeurs. Des ambitions fragiles, mais réelles, qui pourraient bien écrire une nouvelle page de l’histoire tourmentée du Nord-Kivu.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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