Kinshasa, République Démocratique du Congo – L’intelligence artificielle (IA) s’invite dans le débat sur l’avenir du journalisme congolais. Lors d’un atelier organisé ce mardi 6 mai à Kinshasa par l’UNESCO et l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), les enjeux, promesses et risques de cette technologie ont été passés au crible. Un événement stratégique, alors que les médias congolais naviguent entre mutations numériques et impératifs déontologiques.
Isaias Barreto da Rosa, représentant de l’UNESCO en RDC, a ouvert les discussions en soulignant le potentiel transformateur de l’IA : « De la collecte de données à la production de contenus, en passant par l’analyse approfondie des informations, ces outils peuvent redéfinir les méthodes de travail des rédactions ». Un plaidoyer pour l’innovation, mais nuancé par un avertissement sans équivoque : « Sans garde-fous, l’IA pourrait aussi devenir un cheval de Troie menaçant la crédibilité de notre profession ».
L’atelier, regroupant experts internationaux et praticiens locaux, a mis en lumière un paradoxe. D’un côté, l’IA permet d’automatiser des tâches chronophages (vérification de données, traitement de bases documentaires), offrant aux journalistes un gain de temps précieux pour les enquêtes de terrain. De l’autre, elle pose des défis inédits : désinformation algorithmique, deepfakes, et risques de dépendance technologique.
Une question cruciale a dominé les échanges : comment former les professionnels des médias congolais à maîtriser ces outils sans en devenir les otages ? Les participants ont insisté sur l’urgence de programmes de formation adaptés aux réalités locales. « Il ne s’agit pas de remplacer les journalistes par des machines, mais de leur donner des armes pour affronter les batailles informationnelles du XXIe siècle », a résumé un expert en numérique.
Le débat a également abordé le volet législatif. Alors que plusieurs pays africains planchent sur des lois encadrant l’IA, la RDC devrait-elle accélérer sa réflexion en la matière ? Les intervenants ont appelé à une collaboration tripartite entre État, organismes internationaux et syndicats de presse pour élaborer un cadre éthique national.
Autre point sensible : l’impact de l’IA sur l’emploi dans les rédactions. Si certains y voient une menace pour les pigistes et journalistes juniors, d’arguments contraires ont émergé. « Les robots écrivent déjà des dépêches boursières ou sportives ailleurs dans le monde. Mais quel média congolais pourrait aujourd’hui investir dans ces technologies coûteuses ? », a interrogé un rédacteur en chef présent dans l’assistance.
La question du financement des innovations technologiques dans les médias congolais reste effectivement épineuse. L’UNESCO a évoqué des pistes de partenariats internationaux, tandis que l’UNPC a plaidé pour un fonds d’accompagnement dédié aux petites rédactions.
En filigrane de ces discussions techniques persiste un enjeu fondamental : préserver la singularité du journalisme congolais à l’heure du tout-numérique. « Nos reportages de terrain, notre capacité à décrypter des réalités sociales complexes – voilà ce qu’aucune IA ne pourra jamais reproduire », a martelé une participante, déclenchant des applaudissements nourris.
Cet atelier marque-t-il un tournant dans la modernisation des médias nationaux ? Si les conclusions appellent à la prudence, un message clair s’en dégage : en RDC comme ailleurs, l’intelligence artificielle n’est pas une option, mais une réalité à apprivoiser. Le défi consistera à trouver l’équilibre entre innovation technologique et préservation des valeurs journalistiques.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net