En République démocratique du Congo, le chemin vers l’excellence académique reste semé d’embûches pour les femmes. Malgré une augmentation du taux d’accès à l’enseignement supérieur, les étudiantes continuent de se heurter à des stéréotypes persistants, des inégalités structurelles et des pressions socioculturelles. Comment expliquer ce paradoxe dans un pays où les femmes représentent près de 50% de la population ?
« Quand tu es une fille en médecine, on s’attend souvent à ce que tu décroches ou que tu te contentes de spécialités moins prestigieuses », témoigne Grâce Lelo, 24 ans, future chirurgienne à l’Université de Kinshasa (UNIKIN).
Son combat illustre celui de milliers d’étudiantes congolaises déterminées à redéfinir les normes genrées dans des domaines traditionnellement masculins. En génie civil, Rebecca Mahazi se souvient de sa première année à la faculté polytechnique :
« J’étais la seule fille de ma promotion. Certains pensaient que je cherchais juste un mari ingénieur »
, raconte-t-elle, avant de souligner sa place actuelle dans le top 5 de sa classe.
Les universités privées ne constituent pas toujours un havre de paix. À l’Université catholique du Congo (UCC), Marie Mpia dénonce les limitations implicites :
« Une étudiante en lettres doit se contenter d’enseigner ? Pourquoi la recherche serait-elle un territoire interdit ? »
Cette perception réduit les ambitions à mesure que progressent les cycles d’études, particulièrement dans les filières scientifiques.
Double peine : études et charges domestiques
Derrière ces parcours académiques se cache un défi quotidien méconnu. Tania Nguz, étudiante en informatique à l’UPN, décrit une réalité partagée par nombre de ses pairs :
« Après les cours, mes frères peuvent se reposer. Moi, je dois cuisiner, nettoyer, comme si mes études étaient un hobby »
. Cette surcharge invisible grève leurs performances tout en normalisant des inégalités domestiques précoces.
Les pressions matrimoniales constituent un autre front. Aline Kashal, 25 ans en master d’économie à l’UNIKIN, résiste aux critiques familiales :
« À mon âge, ma valeur sociale se mesurerait à mon statut marital plutôt qu’à mes diplômes »
. Un paradoxe dans un pays où l’autonomie économique des femmes pourrait stimuler le développement national.
L’absence de modèles féminins : un frein systémique
Le manque de professeures et de chercheures senior dans les universités congolaises perpétue les stéréotypes. Déborah Mbole, en sciences de l’environnement, observe :
« Dans les colloques, les experts sont toujours des hommes. Comment inspirer des vocations sans visibilité ? »
. Cette sous-représentation affecte jusqu’aux choix d’orientation, limitant inconsciemment les aspirations étudiantes.
Face à ce constat, des initiatives émergent. Certaines militent pour des quotas dans les instances décisionnelles universitaires, d’autres organisent des réseaux de mentorat entre promotions. Rebecca Mahazi insiste :
« Nous ne voulons pas de privilèges, juste l’accès aux mêmes opportunités que les hommes »
. Une revendication qui dépasse le cadre académique pour questionner l’ensemble des structures sociales.
Résilience et espoirs : la nouvelle génération en marche
Malgré les obstacles, ces étudiantes incarnent une lame de fond. Plusieurs envisagent des carrières internationales avant de revenir enseigner au pays. D’autres projettent de créer des ONG ou d’investir la fonction publique. Grâce Lelo résume cette détermination :
« Je veux montrer à ma sœur qu’on peut rêver grand ici. Notre genre ne doit plus définir notre destin »
.
Leur combat dépasse les amphithéâtres. En transformant l’enseignement supérieur, ces pionnières pourraient bien écrire une nouvelle page de l’histoire congolaise – celle où compétence et persévérance l’emportent enfin sur les préjugés ancestraux.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd