Kinshasa, épicentre des enjeux électoraux en République Démocratique du Congo, accueille depuis ce lundi 5 mai un atelier crucial pour l’avenir démocratique du pays. Le Réseau Gouvernance et Démocratie (REGED) a lancé un processus de validation nationale d’un manuel pratique axé sur la transparence, la participation citoyenne et la redevabilité électorale. Une initiative saluée comme « salvatrice » par plusieurs observateurs, au regard des tensions récurrentes lors des cycles électoraux.
Pendant trois jours, experts institutionnels, représentants de la société civile et partenaires techniques planchent sur l’élaboration d’un référentiel commun. L’objectif ? Standardiser les pratiques pour éviter les interprétations divergentes qui ont souvent envenimé les scrutins passés. « Ce manuel n’est pas un livre de recettes théoriques, mais un GPS opérationnel pour toutes les parties prenantes », insiste Bishop Abraham Djamba, directeur exécutif du REGED. Son équipe a conçu des outils concrets testés en ateliers collaboratifs, depuis la désignation des membres de la CENI jusqu’à la proclamation des résultats.
La nécessité d’un tel document s’impose comme une évidence. Les élections de 2023 – comme celles de 2018 – ont été émaillées de contestations violentes, parfois nourries par des lacunes dans l’application des principes démocratiques. Comment garantir que la participation des partis politiques soit équitable ? Quel degré de transparence exiger lors du dépouillement ? Le manuel ambitionne de répondre à ces questions épineuses par des protocoles clairs et vérifiables.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du PACOCEC (Projet d’Appui à la Coalition pour l’Observation Citoyenne des Élections au Congo), financé par l’Union Européenne. Un soutien international qui interroge : jusqu’où les partenaires extérieurs doivent-ils influencer les processus électoraux congolais ? Les organisateurs balaient ces craintes : « L’expertise est congolaise, les solutions doivent l’être aussi », martèle Israël Mabaya, chargé de programme au REGED.
Parmi les 35 participants, la diversité des profils frappe. Parlementaires, juges constitutionnels, diplomates et activistes locaux débattent côte à côte. Une configuration inédite qui, selon une source proche des travaux, « brise les silos traditionnels entre pouvoir et contre-pouvoir ». Les groupes de travail mixent volontairement membres de la majorité présidentielle et de l’opposition – un exercice de dialogue rare dans le paysage politique congolais.
Le manuel en gestation prévoit des mécanismes contraignants : audits indépendants des listes électorales, présence obligatoire d’observateurs lors du transport des urnes, publication en temps réel des procès-verbaux. Autant de garde-fous destinés à restaurer la confiance, ce « carburant absent des dernières élections », selon un participant anonyme.
Reste la question centrale : ce texte volontariste survivra-t-il aux réalités du terrain ? Les récentes réformes électorales peinent souvent à s’appliquer hors de Kinshasa. Le REGED promet un déploiement progressif, avec des formations adaptées aux particularités provinciales. « La crédibilité des élections de 2028 se joue aujourd’hui », conclut Abraham Djamba, conscient que le temps presse pour consolider les acquis.
Alors que les travaux s’achèvent ce 7 mai, tous les regards se tournent vers la Cour constitutionnelle et la CENI. Accepteront-elles de s’approprier ce manuel conçu sans elles ? La balle est désormais dans le camp des institutions. L’espoir persiste : celui de voir la RDC transformer enfin son paradoxe – des élections pluralistes, mais rarement apaisées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd