« Nous ne pouvons plus transporter nos récoltes vers le centre. Nos tomates pourrissent dans les champs pendant que les marchés de Moba-Centre se vident. » La voix de Justin Katwamba, président du Parlement des Jeunes de Moba, porte l’exaspération de toute une région. Le pont Kala, effondré sur l’axe Kirungu-Mwanza, a transformé cette artère vitale du Tanganyika en cicatrice béante, isolant des villages entiers et étranglant l’économie locale.
À 25 kilomètres de Moba-Centre, ce pont enjambant la rivière Kala n’était pas qu’une structure de béton. « C’était le cordon ombilical entre nos zones agricoles et les centres de consommation », explique un cultivateur de Kitu, les mains encore terreuses. Route nationale numéro 5, axe 34… Ces chiffres administratifs prennent soudain un visage humain : des sacs de maïs charriés à dos d’homme, des motos surchargées basculant dans la boue, des prix qui flambent dans les boutiques de Moba-Centre.
Les conséquences dépassent la simple logistique. « Comment maintenir des activités génératrices de revenus quand les camions ne passent plus ? », interroge une coopérative féminine de Kirungu. Les premiers effets de cette rupture se mesurent déjà : +40% sur le prix de la farine, disparition des légumes frais sur les étals, augmentation des cas de malnutrition infantile selon des sources médicales locales.
L’urgence humanitaire pointe-t-elle à l’horizon ? « Si rien n’est fait avant la saison des pluies, nous risquons une catastrophe », alerte Justin Katwamba. Les motos tentent des acrobaties périlleuses pour franchir la rivière, mais leur capacité reste dérisoire face aux besoins d’un territoire où l’agriculture représente 80% de l’activité économique.
Derrière le drame technique, c’est tout le modèle de développement qui est interrogé. Pourquoi un ouvrage stratégique n’a-t-il pas bénéficié de maintenance préventive ? Les jeunes de Moba dénoncent un « abandon systémique » des infrastructures rurales. « Nous alertons depuis 2018 sur l’état des culées », précise le leader jeune, une pointe d’amertume dans la voix.
La reconstruction du pont Kala devient ainsi un test pour les autorités. Entre promesses politiques et réalités budgétaires, la population observe, compte les jours, mesure l’écart entre les discours et l’action concrète. « Chaque jour sans pont creuse un peu plus la défiance envers nos institutions », analyse un enseignant de Mwanza.
En toile de fond, une question cruciale : la RDC parviendra-t-elle à sécuriser ses infrastructures vitales pour ses populations rurales ? Alors que les projets miniers captent l’attention et les financements, le drame de Moba rappelle cruellement que le développement commence par les routes, les ponts, et la capacité à relier les communautés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
