L’Assemblée provinciale de Kinshasa a lancé un appel pressant aux entreprises chargées des chantiers de réhabilitation dans la capitale, exigeant une accélération des travaux lors d’un échange tendu entre Lévi Mbuta, président de l’institution, et les membres du gouvernement provincial. Une injonction qui révèle autant les tensions latentes que les défis structurels d’une ville en quête de modernité.
Dans un langage où la fermeté le dispute à la diplomatie, Lévi Mbuta a reconnu les « efforts en cours » pour améliorer le quotidien des Kinois, tout en pointant du doigt les « constructions anarchiques » qui parasitent l’embellie promise. « Il faut endurer ces désagréments pour que la ville devienne enfin vivable », a-t-il déclaré, mêlant réalisme politique et aveu implicite des lacunes actuelles. Une formule qui ressemble à un mea culpa à peine voilé, tant les retards accumulés alimentent les critiques.
Le dossier brûlant reste la réouverture du Marché central, présentée comme une priorité économique et sociale. Mbuta n’a pas hésité à brandir la menace des « descentes sur le terrain » du bureau de l’Assemblée, promettant d’« inciter » – euphémisme pour contraindre – l’entreprise concernée à finaliser les travaux. « Générer des recettes nécessaires » : derrière cette formule technocratique se cache un enjeu de taille. La capitale, asphyxiée par le manque de ressources, peut-elle vraiment compter sur cette manne hypothétique pour résorber ses dettes et relancer les services publics ?
La promesse de collaboration entre législatif et exécutif provincial sonne comme un vœu pieux dans un paysage politique congolais souvent miné par les rivalités institutionnelles. Quand Mbuta affirme vouloir « apporter un soutien à l’exécutif », faut-il y voir une main tendue ou une mise sous tutelle déguisée ? La question reste en suspens, tant les jeux d’influence entre assemblées et gouvernements locaux obéissent à des logiques opaques.
Les métaphores employées par le président de l’Assemblée trahissent une certaine urgence : « accepter certaines destructions » pour mieux reconstruire, « endurer les désagréments » en vue d’un hypothétique mieux-être… Un discours qui rappelle étrangement les grands chantiers pharaoniques des régimes précédents, où les populations devaient « patienter » avant de voir les dividendes de la croissance. Les Kinois, habitués aux promesses non tenues, seront-ils cette fois convaincus par ce nouveau chapitre de la saga urbaine ?
L’enjeu dépasse la simple réhabilitation infrastructurelle. Il s’agit rien moins que de redéfinir les équilibres politiques locaux. En se positionnant en garant du calendrier des travaux, Lévi Mbuta place l’Assemblée provinciale en arbitre des politiques urbaines – un rôle traditionnellement dévolu à l’exécutif. Stratégie de conquête d’influence ou simple coup de communication ? La réponse se nichera dans les prochaines semaines, au rythme des annonces de visites sur le terrain et des rapports d’avancement.
Reste que le calendrier avancé semble ignorer un paramètre crucial : la capacité réelle des entreprises à tenir ces nouveaux délais. Dans un contexte où les retards de paiement et les lourdeurs administratives entravent régulièrement les chantiers publics, exiger « l’accélération du rythme » relève-t-il du leadership ou de l’incantation ? Les déclarations de Mbuta font office de test pour l’autorité réelle des institutions provinciales sur les opérateurs économiques – souvent plus sensibles aux pressions du pouvoir central qu’aux injonctions locales.
Alors que Kinshasa aspire à se muer en vitrine de la modernité congolaise, ce bras de fer entre ambitions politiques et réalités économiques pourrait bien déterminer l’avenir du contrat social entre gouvernants et population. La capitale attendra-t-elle encore des années avant de voir ses artères congestionnées se transformer ? La réponse se joue maintenant, au pied des grues et des pelleteuses.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
