La province de l’Ituri, déjà secouée par des décennies de conflits armés, se retrouve au cœur d’une nouvelle tempête politique. L’association « Jeunes leaders de l’Ituri » a lancé un pavé dans la mare institutionnelle en exigeant l’invalidation du mandat du député provincial Jokaba Lambi, membre de l’Union des patriotes congolais (UPC). Une requête qui s’apparente à un réquisitoire contre ce qu’ils qualifient de « collusion financière entre l’hémicycle et les maquis ».
Selon Christian Shauri, coordonnateur de cette structure citoyenne, les émoluments parlementaires de Jokaba Lambi serviraient de viatique à la Convention pour la révolution populaire (CRP), groupe armé créé par Thomas Lubanga. « N’est-ce pas une façon de financer la rébellion à travers l’assemblée provinciale de l’Ituri ? », interroge-t-il, pointant du doigt un mécanisme de prélèvement obligatoire qui ferait tache d’huile. Les 10% de cotisations prélevés sur les salaires des députés UPC alimenteraient, selon ces accusations, les caisses de la rébellion.
Cette dénonciation met en lumière une équation politico-sécuritaire complexe. Comment un élu provincial, censé incarner la légitimité démocratique, peut-il simultanément siéger dans une institution publique et soutenir une milice armée ? La question, brûlante, renvoie aux ambiguïtés structurelles d’un état de siège décrété depuis 2021. Pellet Kaswara, rapporteur de l’assemblée provinciale, botte en touche : « Le pouvoir de valider et d’invalider le mandat d’un député, c’est le pouvoir exclusif de la plénière. Mais nous ne siégeons pas ! » Un aveu d’impuissance qui interroge sur l’effectivité des institutions congolaises en période de crise.
Les implications de cette affaire dépassent le cas individuel du député Lambi. C’est tout l’édifice du parti UPC qui vacille sous les coups de boutoir des activistes. La demande de dissolution du parti et les appels à poursuites judiciaires contre Thomas Lubanga dessinent les contours d’une crise de légitimité politique. Le fondateur de l’UPC, déjà condamné par la Cour pénale internationale, incarne cette porosité trouble entre engagement politique et militarisme qui hante l’histoire récente de l’Ituri.
Reste à savoir comment les autorités provinciales composeront avec ce cas d’école de conflictualité asymétrique. Entre la rigidité procédurale d’une assemblée paralysée par l’état de siège et l’exigence citoyenne de redevabilité, la marge de manœuvre semble étroite. La balle serait-elle dans le camp du gouvernement central, seul habilité à trancher ce nœud gordien ? Ou assistera-t-on à une nouvelle forme de « guérilla parlementaire », où les alliances tactiques primeront sur l’intérêt public ?
Cette affaire pourrait constituer un test décisif pour la gouvernance en RDC. Elle pose crûment la question du contrôle démocratique sur les élus dans les zones en crise. Alors que Bunia devient le théâtre d’une bataille symbolique entre légitimité électorale et légitimité morale, les prochains jours diront si l’État congolais parvient à éviter l’écueil d’une collusion entre arènes politique et militaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net