Lomami : La chute fracassante d’Augustin Malangu Ndjibu, symbole d’une crise institutionnelle
Dans un coup de théâtre politique révélateur des tensions qui minent l’Assemblée provinciale de Lomami, Augustin Malangu Ndjibu a été destitué de son poste de vice-président ce lundi 5 mai. Un vote unanime des 21 députés présents – l’intéressé brillant par son absence – a scellé son éviction, sur fond d’accusations pour le moins explosives : incompétence, usurpation de pouvoir, et immoralité. Comment un membre éminent du bureau provincial a-t-il pu tomber si vite en disgrâce ?
La pétition portée par le député Joseph Nkomo, adoptée séance tenante après amendements, agit comme un miroir des fractures au sein de l’institution. Les procès-verbaux de cette séance historique documentent une défiance cristallisée depuis l’altercation physique du 2 mai entre le vice-président et le rapporteur David Ilunga Kabobo. « Il a déchiré la pétition et porté les premiers coups », dénoncent une vingtaine d’élus dans un communiqué cinglant publié dès le samedi 3 mai.
Les blessures échangées lors de cet affrontement – autant physiques que symboliques – ont achevé de disqualifier Malangu Ndjibu aux yeux de ses pairs. Une violence inédite qui interroge sur les méthodes de gouvernance dans cette assemblée clé de la RDC. Le ministre de la Justice Constant Mutamba, par sa promesse de poursuites judiciaires contre les députés impliqués, semble vouloir restaurer un semblant d’ordre républicain. Mais n’est-ce pas là un aveu implicite de la déliquescence des normes politiques locales ?
Usurpation de pouvoir et immoralité : les coulisses d’un naufrage annoncé
Les motifs officiels de la destitution dessinent la cartographie d’un mandat controversé. L’« incompétence » invoquée renvoie à des dysfonctionnements administratifs récurrents, tandis que l’« usurpation de pouvoir » suggère des empiètements répétés sur les prérogatives du président de l’assemblée. Quant à l’« immoralité », si l’accusation reste pour l’heure non étayée, elle résonne comme un coup de semonce dans l’arène politique congolaise, où la probité des élus fait régulièrement débat.
« Cette décision était nécessaire pour préserver l’intégrité de notre institution », a déclaré sous couvert d’anonymat un député proche du dossier. Une rhétorique vertueuse qui ne masque qu’à peine les luttes d’influence à l’œuvre. La rapidité du processus – moins de 72 heures entre l’altercation et le vote – trahit une mécanique bien huilée. Était-ce une simple réaction à un dérapage ou l’aboutissement d’un calcul politique plus complexe ?
L’ombre de Constant Mutamba sur une crise à rebondissements
L’intervention du garde des Sceaux ajoute une dimension nationale à ce conflit local. En brandissant la menace de poursuites, Constant Mutamba place la balle dans le camp judiciaire. Un geste interprété tantôt comme une volonté d’apaisement, tantôt comme une ingérence dans les affaires provinciales. « Le gouvernement central ne peut rester spectateur quand les assemblées locales deviennent des arènes », justifie un collaborateur du ministre.
Reste que cette affaire soulève des questions structurelles cruciales. La facilité avec laquelle un vice-président provincial peut être destitué témoigne-t-elle d’un healthy contrôle démocratique ou d’une instabilité chronique ? Les prochains jours s’annoncent décisifs : la désignation d’un successeur à Malangu Ndjibu pourrait soit apaiser les tensions, soit exacerber les rivalités latentes. Avec en ligne de mire, les échéances électorales de 2024 qui commencent déjà à hanter les stratégies des uns et des autres.
Alors que Lomami retient son souffle, cette crise localisée révèle les failles d’un système où le dialogue politique cède trop souvent le pas aux coups d’éclat. Un test grandeur nature pour la jeune démocratie congolaise, à l’heure où les provinces doivent incarner le creuset de la décentralisation promise par la Constitution.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd