Les États-Unis ont officiellement confirmé ce lundi 5 mai avoir reçu un projet d’accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, une avancée qualifiée d’« étape importante » par Massad Boulos, Conseiller principal pour l’Afrique au Département d’État américain. Cette annonce relance l’espoir d’une résolution durable dans la région des Grands Lacs, minée par des décennies de conflits et de rivalités géostratégiques.
Ce document, salué comme une « proposition de paix » par le diplomate américain sur son compte X, s’inscrit dans le sillage de la « Déclaration de principes » signée le 25 avril à Washington sous médiation américaine. Ce texte non contraignant visait à établir un cadre de dialogue pour apaiser les tensions, notamment autour du soutien rwandais présumé au groupe rebelle M23, actif dans l’Est congolais. Mais pourquoi cet énième accord suscite-t-il autant d’attention ?
Pour comprendre les enjeux, il faut remonter aux racines du conflit. Depuis 2021, le M23 a repris les armes, conquérant des territoires clés du Nord et Sud-Kivu. Soutenu par Kigali selon des rapports onusiens et des ONG, ce groupe paralyse une région riche en minerais stratégiques – cobalt, coltan, lithium – essentiels à la transition énergétique mondiale. Les populations, prises en étau entre milices et armée, paient un tribut sanglant : 6,9 millions de déplacés selon le HCR, des violences sexuelles systémiques et un désastre humanitaire ignoré.
Dans ce contexte, l’implication américaine dépasse la simple médiation. Washington négocie parallèlement un partenariat stratégique avec Kinshasa pour sécuriser l’accès à ces minerais critiques. En échange d’une assistance sécuritaire – formation militaire et renseignement –, les entreprises américaines bénéficieraient de privilèges miniers. Un marchandage qui interroge : la paix dans l’Est serait-elle conditionnée par des intérêts économiques ?
Les observateurs internationaux restent prudents. « Les déclarations d’intention ne suffisent pas. Le Rwanda a toujours nié son implication, tandis que la RDC exige des preuves tangibles de désengagement », analyse un expert régional sous couvert d’anonymat. La méfiance est palpable : en 2013, un accord similaire avait été signé à Addis-Abeba… avant que le M23 ne reprenne ses activités deux ans plus tard.
Pourtant, des signaux encourageants émergent. Les deux pays ont récemment accepté un mécanisme de vérification conjoint sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est. Autre avancée : la réouverture partielle de la frontière à Goma, symbole d’une normalisation timide. Mais le chemin reste semé d’embûches. Comment garantir le retrait des combattants M23 sans provoquer un vide sécuritaire ? Comment concilier les revendications territoriales historiques et les réalités géopolitiques actuelles ?
La communauté internationale, par la voix de l’ONU et de l’Union africaine, appelle à une « mobilisation collective ». La France a promis un soutien logistique, tandis que la Chine, autre acteur clé dans la course aux minerais, surveille les négociations américano-congolaises. Reste que sans pression coercitive sur Kigali – suspendu en 2023 du partenariat minéral de l’UE pour « non-respect des normes éthiques » –, tout accord risquerait de n’être qu’un chiffon de papier.
Si ce projet d’accord ouvre une fenêtre d’opportunité, son succès dépendra de trois facteurs : la transparence dans l’exploitation minière, un mécanisme de surveillance crédible et, surtout, la volonté réelle des belligérants de tourner la page. Comme le rappelle un activiste congolais de Goma : « Nous voulons la paix, pas des promesses. Nos enfants méritent des écoles, pas des camps de déplacés. » L’Histoire jugera si cette initiative sera un tournant ou une énième illusion.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net