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Tshopo : La honteuse « taxe de la souffrance » imposée aux victimes de conflits – Des milliers d’oubliés dans l’ombre des statistiques

Dans les ruelles poussiéreuses de Lubunga, province de la Tshopo, le désespoir a un visage. Celui de Mama Mapendo, déplacée du conflit Mbole-Lengola, qui tente de survivre avec ses cinq enfants dans une bicoque de fortune. « Ils ont exigé 5 000 francs congolais pour m’enregistrer comme victime. Mais comment payer quand on mendie un repas par jour ? », témoigne-t-elle, les yeux rivés sur un horizon sans issue. Son récit n’est qu’un écho parmi des centaines d’autres, révélant une réalité glaçante : l’enregistrement des victimes, censé être un droit, se transforme en marché lucratif.

La société civile Sauti ya Raiya (La voix du peuple) tire la sonnette d’alarme face à cette monétisation scandaleuse des procédures d’identification. Des fraudeurs sans mandat officiel opéreraient dans les sites de déplacés, exigeant des sommes indécentes pour inscrire des noms sur des listes. Pire : cette sélection au porte-monnaie exclut des milliers de victimes invisibles. « Ma sœur a été tuée pendant les affrontements de 2019, mais comme je vis chez un cousin, personne ne me compte », déplore Jean Lokana, rencontré près du marché central de Kisangani.

Mais le scandale ne s’arrête pas là. Pourquoi les victimes du conflit Enya-Lengola ou des violences de 2019 sont-elles ignorées ? Comment expliquer cette hiérarchisation de la souffrance ? Prince Héritier Isomela, président de Sauti ya Raiya, fustige cette « logique de tri sélectif inhumain » : « L’assistance ne doit pas être un privilège réservé à ceux qui campent sous des bâches. Des familles entières survivent dans des habitats précaires, loin des radars humanitaires. »

Cette partialité pose une question cruciale : qui décide de la valeur d’une vie brisée ? Les chiffres officiels – 500 morts, 100 000 déplacés depuis février 2023 – ne reflètent qu’une partie du drame. Des villages entiers se sont vidés, des lignées familiales effacées, des traumatismes transmis comme héritage empoisonné. Pourtant, les mécanismes d’aide semblent fonctionner en mode « triage d’urgence », négligeant l’exigence première : un recensement exhaustif.

La position de la société civile est claire : il faut un audit indépendant couvrant tous les sites ET les familles d’accueil. « Sans cela, comment chiffrer les besoins réels en abris, soins ou soutien psychologique ? », interroge Isomela. Cette demande rencontre un écho particulier à Kisangani, où des déplacés racontent avoir été « visités trois fois par différents groupes qui prenaient des noms, mais jamais d’aide concrète ».

Derrière ces dysfonctionnements se profile un enjeu sociétal majeur. La RDC peut-elle construire une paix durable si les processus de réconciliation excluent des catégories de victimes ? L’arbitraire dans l’assistance nourrit ressentiments et divisions, risquant de rallumer les braises de conflits éteints. Les allégations de fraude sapent par ailleurs la confiance envers les institutions, déjà fragile dans cette région meurtrie.

Alors que la saison des pluies approche, menaçant les abris de fortune, l’urgence est double : moraliser la gestion de l’aide ET adopter une approche inclusive. Car chaque victime oubliée est une bombe à retardement sociale. Comme le murmure amèrement un ancien du village de Yaeseke : « Quand l’État monnaye nos malheurs, qui croire pour reconstruire ? ». La réponse à cette question déterminera non seulement le sort des déplacés de la Tshopo, mais aussi les chances de paix future dans toute la province.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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