Les autorités sud-africaines ont officiellement entamé le retrait de leurs troupes déployées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) dans le cadre de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SAMIDRC). Cette décision, annoncée dimanche à Pretoria par la ministre de la Défense Thandi Modise et le général Rudzani Maphwanya, chef d’état-major des forces de défense sud-africaines (SANDF), marque un tournant dans l’engagement régional pour la stabilisation de la RDC. Mais ce désengagement, bien que salué comme une avancée diplomatique, soulève des interrogations sur la pérennité de la paix dans une région minée par des décennies de conflits.
Le retrait s’inscrit dans le sillage du sommet extraordinaire de la SADC tenu à Harare en mars 2025, où les dirigeants de la région ont acté la fin progressive de la mission militaire. Cette transition intervient après la signature d’un accord de paix entre Kinshasa et le mouvement rebelle M23, négocié sous l’égide de la SADC, de l’Union africaine et de la Communauté d’Afrique de l’Est. L’accord prévoit un cessez-le-feu permanent, le désarmement des combattants et la protection des civils – des promesses maintes fois formulées, mais rarement tenues dans l’histoire tumultueuse de l’Est congolais.
Sur le plan opérationnel, le retrait a été minutieusement planifié. Les premières discussions techniques ont eu lieu le 28 mars à Goma, réunissant les chefs militaires sud-africains, tanzaniens, malawites et des représentants du M23. Le tracé retenu pour le rapatriement des troupes sud-africaines – via le Rwanda jusqu’en Tanzanie – n’est pas anodin. Ce choix géostratégique évite les zones de tension persistante autour de Goma et Sake, tout en s’appuyant sur les corridors logistiques existants. Un premier contingent a quitté la RDC le 29 avril, suivi d’une seconde vague prévue début mai. Le matériel militaire, quant à lui, empruntera la voie maritime depuis Dar es Salaam, un processus qui pourrait s’étendre jusqu’à fin mai.
Si le général Maphwanya insiste sur la « sensibilité » de l’opération et la nécessité de confidentialité, certains observateurs s’interrogent : ce retrait précipité ne risque-t-il pas de créer un vide sécuritaire ? Les FARDC (Forces armées de la RDC) sont-elles prêtes à assumer seules la sécurisation de la région ? L’ombre des précédents échecs – comme le retrait de la MONUSCO – plane sur ces questions. La ministre Modise a certes salué le « professionnalisme » des troupes sud-africaines, mais elle n’a pas éludé le coût humain : en mars 2025, plusieurs soldats ont perdu la vie dans des accrochages, rappelant la volatilité du terrain.
Le contexte régional ajoute une couche de complexité. Le Rwanda, pays de transit des troupes sud-africaines, est régulièrement accusé par Kinshasa de soutenir le M23 – ce que Kigali dément. La traversée de soldats de la SADC sur le territoire rwandais pourrait-elle être perçue comme un signal de normalisation des relations ? Ou au contraire, alimenter de nouvelles tensions ? Les récentes avancées diplomatiques, bien que significatives, restent fragiles. L’accord avec le M23, par exemple, exclut certaines factions armées actives dans la région, comme les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Enfin, l’implication de la Tanzanie comme plaque tournante du retrait souligne son rôle clé dans les équilibres sécuritaires de la région. Dar es Salaam, qui contribue également à la force de la SADC, renforce ainsi sa posture de médiateur régional. Mais cette coopération multilatérale suffira-t-elle à enrayer le cycle de violence dans l’Est congolais ? Les experts rappellent que depuis 2012, date de la première apparition du M23, aucun accord n’a résisté à l’épreuve du temps. La communauté internationale, souvent divisée sur la question congolaise, surveillera de près l’évolution des prochains mois.
Pour Pretoria, ce retrait pourrait marquer un réajustement de sa politique étrangère. Après des années d’engagement militaire coûteux, l’Afrique du Sud semble privilégier les leviers diplomatiques. Reste à savoir si cette stratégie portera ses fruits, ou si elle ouvrira la porte à une nouvelle escalade. Comme le résume un analyste de Kinshasa sous couvert d’anonymat : « La paix en RDC ne se décrète pas sur une table de négociation. Elle se gagne sur le terrain, jour après jour. »
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd