La gestion budgétaire de la République Démocratique du Congo (RDC) sous le premier mandat du président Félix Tshisekedi suscite des interrogations critiques. L’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a révélé lors d’une récente interview que 53 établissements publics ont été créés entre 2019 et 2023, sans aucune planification financière préalable. Une situation qualifiée de « bombe à retardement » par des analystes économiques, alors que le pays tente de stabiliser ses finances face à des dépenses sécuritaires croissantes.
« Ces structures ont été mises sur pied avec une absence totale de cadre budgétaire. Elles recrutent, dépensent, et personne ne peut en mesurer l’impact réel », a déploré Kazadi, ministre des Finances d’avril 2021 à juin 2024. Un constat qui interroge : comment un État peut-il multiplier ses institutions tout en négligeant les fondamentaux de la gouvernance financière ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sous la gestion de Kazadi, le budget national a pourtant quadruplé, passant de 4 à 16 milliards USD. Mais cette croissance masque une réalité inquiétante : l’inflation des rubriques dépensières, notamment les primes et allocations diverses. « Chaque dollar gagné semble se fragmenter en une myriade de postes opaques », analyse un expert de la Banque Mondiale sous couvert d’anonymat.
Le Parlement cristallise ces dérives. Ses dépenses mensuelles ont bondi de 5 à 45 milliards de francs congolais (FC) entre 2017 et 2023. Une envolée qui représenterait près de 2,3% du budget 2023, selon les calculs de Congo Quotidien. « Quand les institutions se transforment en aspirateurs à ressources, la croissance économique devient un mirage », lance un économiste kinois.
Ces révélations tombent à pic. Le 2 mai 2025, lors du Conseil des ministres, le président Tshisekedi a ordonné un audit général des nouvelles structures publiques. Objectif : élaguer celles jugées « non pertinentes ». Une décision saluée par la société civile, mais qui pose question : pourquoi agir après cinq ans de laxisme ?
En toile de fond, la RDC doit composer avec une double crise. À l’Est, l’agression rwandaise grève les caisses de l’État via des dépenses militaires urgentes. Dans les ministères, la culture du « partage avant la réflexion » – selon les mots cinglants de Kazadi – mine les efforts de rationalisation. « L’argent arrive, on le distribue comme des bonbons, puis on cherche comment justifier les trous béants », résume un cadre du Trésor public.
Quelles solutions ? Les experts prônent une loi de programmation budgétaire pluriannuelle, couplée à un gel des créations d’institutions. « Le pays a besoin de sobriété et de transparence, pas de bureaucratie fantôme », insiste un ancien directeur du FMI. Pour 2025, le défi est de taille : concilier urgence sécuritaire et rigueur financière. Le prochain budget sera-t-il le théâtre d’un réel sursaut, ou d’un nouvel enlisement ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd