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Exfiltration sous haute protection : le gouvernement congolais réussit-il à transformer une retraite militaire en victoire politique ?

Dans un ballet protocolaire soigneusement orchestré, les premiers contingents de militaires désarmés des FARDC, de policiers et de leurs familles, évacués des installations de la MONUSCO à Goma, ont foulé le tarmac de Ndjili sous les honneurs d’un gouvernement soucieux d’afficher sa maîtrise d’une crise sécuritaire persistante. Cette opération humanitaire, présentée comme une victoire de la diplomatie congolaise, soulève pourtant des questions brûlantes sur la gestion des retombées stratégiques de ce repli organisé.

La présence personnelle de la Première ministre Judith Suminwa à la tête du comité d’accueil ne relève pas du simple hasard protocolaire. En brandissant le discours de la « réussite opérationnelle », l’exécutif tente habilement de convertir une retraite contrainte en fait d’armes politique. « Nous sommes dans la joie comme nous avons réussi à vous faire sortir », a déclaré la cheffe du gouvernement, usant d’une rhétorique triomphaliste qui contraste avec l’amertume des mois passés sous protection onusienne.

Derrière les déclarations officielles se profile un enjeu de taille : la crédibilité d’un pouvoir face à ses propres forces armées. La promesse présidentielle d’une visite de Félix Tshisekedi aux évacués, relayée avec emphase par la Première ministre, trahit-elle une volonté de ressouder le lien armée-nation ou plutôt une méfiance latente envers des éléments jugés potentiellement instables ? La référence appuyée à leur « bravoure » dans la défense de Goma sonne comme une tentative de réhabilitation préventive.

Le choix stratégique de la base militaire de Kitona comme destination finale des évacués interroge. Ce site éloigné des fronts chauds de l’Est devient-il un centre de reconversion discrète ou simple lieu de quarantaine politique ? Les autorités militaires, par la voix du Vice-premier ministre Guy Kabombo Muadiamvita, promettent un « encadrement » dont les modalités restent étrangement floues. Entre réinsertion et mise à l’écart, la marge de manœuvre gouvernementale apparaît étroite.

La mention du rôle « déterminant » du CICR dans l’évacuation vient rappeler en filigrane les limites de la souveraineté congolaise. Ce recours à un intermédiaire neutre pour rapatrier ses propres forces armées constitue-t-il un aveu implicite de défiance envers les mécanismes internes de gestion de crise ? L’hommage appuyé à la MONUSCO, acteur historique contesté dans l’Est du pays, révèle surtout les contradictions d’une coopération internationale à géométrie variable.

Cette opération d’évacuation pose crûment la question du devenir des centaines de militaires toujours réfugiés dans les bases onusiennes. Le gouvernement peut-il reproduire à plus grande échelle ce scénario sans alourdir le fardeau logistique et sécuritaire de Kinshasa ? L’annonce de l’arrivée imminente d’un deuxième groupe teste la capacité réelle d’absorption d’un système déjà fragilisé par des années de conflit.

En parallèle, la justice militaire poursuit les responsables ayant fui vers Bukavu, créant une dichotomie troublante entre traitement des subalternes et de leur hiérarchie. Cette dualité dans la gestion post-crise risque-t-elle d’exacerber les tensions au sein d’une armée déjà minée par des clivages internes ?

Alors que le Nord-Kivu reste sous pression rebelle, ce transfert de troupes vers l’arrière-front ouvre un nouveau front politique pour le gouvernement. La capacité à transformer ce repli tactique en succès communicationnel durable dépendra de la concrétisation des promesses de prise en charge – véritable pierre de touche de la crédibilité étatique. Entre réhabilitation des évacués et maintien de la cohésion militaire, l’exécutif devra naviguer à vue dans un contexte sécuritaire toujours explosif.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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