La province du Tanganyika traverse une crise sanitaire alarmante : une flambée de choléra a infecté plus de 100 personnes en quelques jours, avec deux décès déjà enregistrés. Cette résurgence, concentrée dans les zones de santé de Kalemie et Nyemba, trouve son origine dans un problème criant – la pénurie d’eau potable. Mais comment une rupture d’approvisionnement peut-elle transformer une maladie endémique en bombe épidémique ? Explications.
« La REGIDESO [Régie de distribution d’eau] a interrompu sa desserte pendant 7 jours. Les populations ont alors puisé dans le lac Tanganyika ou la rivière Lukuga, des points d’eau non chlorés », alerte le Dr Wilma Lwabola, responsable communication de la division provinciale de la santé. Une situation qui rappelle cruellement un fait méconnu : le choléra ne se propage pas par hasard. Il suffit d’une faille dans l’accès à l’hygiène pour réveiller ce tueur silencieux.
De 79 cas en un jour à une course contre la montre
Les chiffres donnent le vertige : 79 nouveaux cas le lundi 1er mai, 39 le mardi, 18 supplémentaires en une matinée. Cette progression exponentielle inquiète d’autant plus que le Tanganyika est classé « endémo-épidémique » pour le choléra. Traduction : la bactérie Vibrio cholerae y circule en permanence, mais des facteurs comme l’eau contaminée ou le manque de latrines déclenchent des pics.
Le cercle vicieux de l’eau insalubre
Boire, cuisiner, se laver avec une eau non traitée – voilà le piège mortel. La bactérie, présente dans les selles des malades, contamine rapidement les cours d’eau en l’absence de sanitaires. Résultat : chaque verre d’eau devient une roulette russe. « Les selles diarrhéiques des patients atteints peuvent infecter des centaines de personnes si l’environnement n’est pas sécurisé », précise un épidémiologiste contacté par notre rédaction.
Urgence sur deux fronts : eau et sensibilisation
Les autorités provinciales sonnent l’alarme : « Rétablir l’eau chlorée est prioritaire », insiste le Dr Lwabola. Parallèlement, des équipes mobiles s’activent pour distribuer des comprimés de purification d’eau et sensibiliser les ménages. Car en attendant la REGIDESO, chaque famille doit adopter des gestes-barrières :
- Faire bouillir l’eau 10 minutes avant consommation
- Se laver systématiquement les mains au savon
- Privilégier les aliments cuits
- Reconnaître les premiers symptômes (diarrhée aqueuse, vomissements)
Un défi colossal dans une région où seulement 35% de la population aurait accès à des sources d’eau améliorées, selon les dernières estimations.
Quand l’urgence sanitaire rencontre l’urgence sociale
Derrière les statistiques se cache une réalité socio-économique brutale. « Les plus pauvres stockent moins d’eau, ils sont les premiers exposés », analyse une travailleuse humanitaire à Kalemie. La prévention bute aussi sur des croyances locales : certains attribuent encore la maladie à des causes mystiques plutôt qu’à l’hygiène.
La réponse doit donc être plurielle : camions-citernes d’urgence, centres de traitement réactivés (5 sont opérationnels selon nos informations), mais aussi dialogue communautaire. Car comme le rappelle l’OMS, jusqu’à 80% des cas peuvent être traités simplement avec des sels de réhydratation orale – à condition d’agir vite.
Alors que la saison sèche accentue les pénuries d’eau, cette crise sonne comme un avertissement. Elle révèle la vulnérabilité des systèmes d’adduction d’eau en RDC, où selon la Banque mondiale, seules 52% des zones urbaines bénéficieraient d’un accès à l’eau géré de façon sûre. Un chiffre qui tombe à 28% en milieu rural. La bataille contre le choléra passera nécessairement par là : des infrastructures durables plus que des interventions ponctuelles.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net