Dans un contexte régional marqué par des tensions persistantes, le représentant spécial de l’Union européenne dans la région des Grands Lacs, Johan Borgstam, a réaffirmé avec force l’importance de préserver l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo (RDC). Cette déclaration, faite lors d’une interview exclusive accordée à Radio Okapi ce jeudi 1er mai, intervient au cœur d’une tournée diplomatique visant à consolider les efforts de paix dans une zone minée par des décennies de conflits.
Le diplomate européen a salué l’accord de principe signé récemment entre Kinshasa et Kigali sous médiation américaine à Washington. Toutefois, il a insisté sur la nécessité de « prendre en compte les acquis des processus régionaux déjà en cours », faisant explicitement référence à l’accord de Nairobi. Ce dernier, rappelons-le, pose deux piliers fondamentaux : le respect des frontières congolaises et la promotion d’une intégration économique régionale durable.
Mais pourquoi cet empressement de la communauté internationale à multiplier les initiatives diplomatiques ? La réponse se niche peut-être dans l’emballement récent des relations entre la RDC et le Rwanda, accusé par Kinshasa de soutenir les rebelles du M23 dans l’Est congolais. Une situation explosive qui fait craindre un embrasement généralisé dans cette région riche en ressources minières stratégiques.
L’analyse de Borgstam révèle une approche nuancée de l’UE. Tout en appuyant le nouveau processus de Washington, il souligne la complémentarité plutôt que la concurrence entre les différents mécanismes de résolution de crise. « Les accords ne s’annulent pas, ils se consolident mutuellement », a-t-il précisé, appelant à une coordination accrue entre les acteurs régionaux et internationaux.
Cette position européenne tranche avec certains précédents historiques. Elle témoigne d’une prise de conscience aiguë des risques de fragmentation que font peser les multiples crises sécuritaires sur la souveraineté congolaise. Les experts consultés par Congo Quotidien soulignent d’ailleurs l’urgence d’une action concertée : « La RDC se trouve à un carrefour critique où chaque initiative diplomatique doit renforcer plutôt qu’affaiblir sa position », explique le professeur en relations internationales, Didier Mbenga.
Au-delà des déclarations de principe, quels leviers concrets l’Union européenne compte-t-elle actionner ? Johan Borgstam a évoqué lors de son entretien du 2 mai une possible augmentation de l’aide au développement ciblant les provinces orientales de la RDC. Une manière de lier stabilisation sécuritaire et relance économique, dans une région où la pauvreté chronique alimente les recrutements armés.
Pourtant, des questions cruciales demeurent en suspens. Comment garantir l’effectivité des engagements pris à Washington face aux échecs passés des accords similaires ? Quel rôle joueront exactement les pays voisins dans ce nouveau dispositif ? Autant d’interrogations qui planent sur le processus alors que des sources militaires congolaises font état de mouvements troublants près de la frontière rwandaise.
La position ferme de l’UE survient à un moment charnière où la MONUSCO entame son retrait progressif du pays. Ce réalignement des acteurs internationaux place Bruxelles dans un rôle de premier plan pour accompagner la transition sécuritaire. Une responsabilité que Borgstam semble mesurer : « Aucune solution durable ne pourra être imposée de l’extérieur. Elle doit émaner d’une volonté régionale authentique », a-t-il insisté.
Alors que les projecteurs se braquent sur les capitales occidentales, les populations de l’Est congolais attendent des actes concrets. Pour eux, la véritable mesure du succès diplomatique se jouera non dans les salles de conférence climatisées, mais dans la cessation effective des violences qui ravagent leur quotidien depuis près de trente ans.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net