Dans un contexte de tensions persistantes au sein de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le passage à Lubumbashi de Déo Bizibu Balola, secrétaire général intérimaire désigné par le Conseil de Discipline et de Procédure (CDP), a offert un spectacle édifiant de rhétorique politique. Alors que les divisions internes du parti présidentiel défraient régulièrement l’actualité congolaise, le numéro un autoproclamé de la formation tshisekediste a martelé, lors d’une conférence de presse ce mardi 29 avril 2025, une ligne officielle aussi ferme que contestable.
« Il n’existe aucune crise dans notre parti », a-t-il déclaré d’emblée, balayant d’un revers de main les allégations de fracture. Une affirmation qui sonne comme un déni face aux scènes de dissidence observées depuis des mois. Le ton monte lorsqu’il évoque son prédécesseur, accusé d’avoir « refusé d’obéir aux ordres du CDP ». La référence à la « pyramide renversée » – concept cher à l’UDPS – sert ici de justification théorique à une épuration politique : « Quand la base grogne sur lui, c’est qu’il a perdu toute légitimité ».
Cette invocation de la sacro-sainte « base » ne manque pas de piquant. N’est-ce pas précisément cette même base que les dissidents invoquent pour contester la légitimité du SG intérimaire ? La dialectique balolienne opère ici un renversement audacieux : celui qui se présente comme gardien des statuts accuse ses adversaires de trahison doctrinale. Derrière les envolées sur « la voix de la raison », se profile une guerre de légitimité dont l’enjeu dépasse les simples querelles de appareil.
Plus troublante apparaît la mise en garde adressée aux « complices des pillages et détournements de deniers publics ». En pointant du doigt des comportements criminels au sein même du parti présidentiel, Balola soulève un lièvre qui interroge : l’UDPS serait-il miné par des pratiques que le pouvoir actuel dénonce par ailleurs ? L’avertissement – « ils ont encore le temps de se ressaisir » – prend des allures d’ultimatum interne, révélateur des luttes fratricides qui secouent la formation historique.
La stratégie de légitimation passe aussi par des symboles. L’annonce d’un prochain retour au siège national de Limete sonne comme une provocation à l’égard des factions rivales. Mais cette démonstration de force contraste avec les réalités du terrain : à Lubumbashi, capitale du Haut-Katanga, Balola n’a rencontré que quelques élus locaux, les trois fédérations urbaines du parti ayant brillé par leur absence. Un isolement qui en dit long sur les résistances provinciales à cette normalisation contestée.
Derrière ces joutes verbales se joue une bataille cruciale pour le contrôle du parti fondé par Étienne Tshisekedi. La référence appuyée à Félix Tshisekedi – « sans la base, il ne serait jamais devenu président » – trahit une inquiétude : l’actuel chef de l’État pourrait-il voir sa légitimité entamée par les déchirements de sa propre formation ? La question mérite d’être posée alors que s’approchent les échéances électorales de 2026.
En définitive, ce passage à Lubumbashi illustre les paradoxes d’un pouvoir tiraillé entre discipline de parti et réalités sociopolitiques. La « légalité » invoquée par Balola résistera-t-elle à l’épreuve des rapports de force concrets ? L’absence de dialogue avec les structures locales et les accusations mutuelles de déviationnisme laissent présager de nouveaux soubresauts. Dans ce jeu d’échecs politique, chaque camp mise sur l’usure de l’adversaire. Reste à savoir qui, de la « base » mythifiée ou des appareils disciplinaires, aura le dernier mot dans cette crise de légitimité à géométrie variable.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
