AFBC et M23 : Un Cessez-le-feu Sous le Signe de l’Équilibre Politique
Kinshasa, 1er mai 2024 – La scène politique congolaise retient son souffle. L’Alliance des forces pour le bien-être des Congolais (AFBC), formation d’opposition connue pour ses prises de position tranchées, a surpris plus d’un en saluant avec un enthousiasme mesuré l’accord de cessez-le-feu scellé entre le gouvernement et le mouvement rebelle M23 à Doha. Une position qui, à bien y regarder, dévoile les nuances d’un jeu d’échecs où chaque pièce avance masquée.
Néné Nkulu, présidente de l’AFBC, a orchestré mercredi dernier un point de presse où les louanges adressées au Chef de l’État ont résonné comme un coup de tonnerre. « Le choix du dialogue est une avancée vers la paix », a-t-elle déclaré, tout en insistant sur la nécessité de « préserver l’intégrité du territoire ». Un discours qui, sous son apparente unanimité, soulève une question cruciale : pourquoi une opposition traditionnellement combative embrasse-t-elle soudain la rhétique gouvernementale ?
Entre Pragmatisme et Calcul : Les Dessous d’un Soutien Inattendu
L’AFBC, habituée à fustiger les failles sécuritaires de l’Est, semble avoir troqué sa verve critique contre un soutien circonspect. En félicitant Félix Tshisekedi pour son « option du dialogue », Néné Nkulu ouvre une brèche dans le front oppositionnel. Serait-ce l’effet d’une realpolitik assumée, ou l’amorce d’un repositionnement en vue des prochains scrutins ? Les métaphores ne manquent pas à Kinshasa, où certains observateurs évoquent déjà une « main tendue » vers le pouvoir en place.
Pourtant, derrière les applaudissements, l’AFBC n’oublie pas de rappeler ses exigences : sauvegarde de la souveraineté, lutte contre les discours de haine, et inclusion de « toute initiative contribuant à la paix ». Autant de conditions qui, si elles ne sont pas remplies, pourraient transformer ce soutien en arme de dissuasion. Comme le souligne un analyste sous couvert d’anonymat : « En politique congolaise, un compliment n’est jamais gratuit. »
Doha 2024 : Un Dialogue à Haut Risque pour Tshisekedi
Le communiqué conjoint de Doha, présenté comme une « première étape », place le gouvernement face à un dilemme cornélien. Comment concilier dialogue avec les rebelles et préservation de l’unité nationale ? Si l’AFBC y voit une « avancée », d’autres voix, plus sceptiques, rappellent les échecs passés des négociations avec les groupes armés. Le M23, dont les offensives ont secoué le Nord-Kivu, reste perçu par une frange de la population comme un instrument de puissances étrangères.
« Le président joue gros avec cette réforme sécuritaire », confie un député de la majorité. Car au-delà des déclarations d’intention, c’est la crédibilité même du régime qui est en jeu. Un échec des pourparlers pourrait non seulement raviver les tensions dans l’Est, mais aussi offrir à l’opposition – y compris l’AFBC – un argument imparable pour déstabiliser l’exécutif.
Et Maintenant ? Les Pièges de la Mise en Œuvre
Reste la question épineuse de l’après-Doha. L’AFBC, en appelant à « l’abstention de tout discours de haine », semble anticiper les écueils d’un processus fragile. Car sur le terrain, les combats intermittents et les accusations de violations du cessez-le-feu menacent déjà l’édifice diplomatique. Le gouvernement devra naviguer entre pression internationale, attentes populaires et réalités militaires – un exercice d’équilibriste où chaque faux pas serait payé cash.
En saluant le dialogue tout en posant des garde-fous, l’AFBC se positionne en arbitre éclairé. Stratégie habile pour un parti qui, à l’approche de 2026, cherche à incarner une alternative crédible. Mais gare aux retournements de situation : dans l’arène politique congolaise, le statut de « faiseur de paix » peut vite basculer en celui de complice des compromis douteux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net