La République démocratique du Congo (RDC) essuie un revers significatif dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2025, publié par Reporters sans frontières (RSF). Le pays dégringole de la 123e à la 133e position, une chute qui interroge autant qu’elle alerte. Derrière ce recul se cachent des réalités complexes : une sécurité dégradée à l’Est, des fragilités économiques structurelles et une indépendance médiatique en berne. Comment un pays au pluralisme médiatique reconnu peut-il ainsi s’enliser dans les profondeurs du classement ?
Un conflit armé qui étouffe les voix locales
Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, en proie aux affrontements entre les Forces armées congolaises (FARDC) et les rebelles du M23, paient un lourd tribut. RSF documente des dizaines de fermetures de radios communautaires, pilier de l’information dans ces régions. « Le pluralisme existe, mais il est mis à mal par la violence », souligne l’ONG. Des journalistes contraints à l’exil, des rédactions déplacées dans l’urgence, des emplois évaporés… Le paysage médiatique de l’Est ressemble à un champ de ruines, où l’accès à l’information devient un luxe.
L’économie, arme silencieuse contre l’indépendance
Au-delà des balles et des bombes, RSF pointe un autre front : la concentration des médias entre les mains d’oligarques proches du pouvoir. « Les annonceurs publics ou privés conditionnent leur soutien », dénonce le rapport, évoquant une « censure financière » qui pèse sur les contenus. La distribution opaque des aides de l’État – lorsqu’elles existent – creuse les inégalités. Résultat ? Une presse privée de moyens, obligée de naviguer entre survie économique et ligne éditoriale aseptisée.
« En Afrique, 80 % des pays voient leur score économique se dégrader. C’est une menace systémique pour le journalisme », martèle RSF.
La RDC, mauvaise élève d’une classe africaine en crise
Avec cette 133e place, le Congo se retrouve distancé par des nations comme l’Afrique du Sud (27e), où les médias jouissent d’une réelle indépendance. Même le Cap-Vert, petit archipel, surclasse Kinshasa. Pourtant, RSF salue la résilience de certaines rédactions qui, malgré les pressions, « refusent de se taire ». Une lueur d’espoir dans un système médiatique congolais miné par ce que certains analystes appellent une « tempête parfaite » : guerre, argent et opacité.
Quelles perspectives pour une presse libre en RDC ?
À l’approche des prochains cycles électoraux, les défis s’accumulent. Les observateurs s’interrogent : comment garantir un débat démocratique sain quand les médias sont soit muselés par les conflits, soit asphyxiés économiquement ? La réforme des mécanismes de financement public, réclamée depuis des années par les professionnels du secteur, reste lettre morte. Et si la communauté internationale condamne régulièrement les atteintes à la liberté de la presse, son action concrète sur le terrain peine à se matérialiser.
Dans ce contexte, la chute de la RDC dans le classement RSF n’est pas qu’un symbole. Elle sonne comme un avertissement : sans mesures urgentes pour protéger les journalistes et restructurer le modèle économique des médias, le pays risque de glisser un peu plus vers l’autoritarisme médiatique. Un scénario noir qui, paradoxalement, pourrait unir dans la résistance ces voix indépendantes que même les statistiques les plus sombres n’arrivent pas à étouffer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd