La course contre la montre est lancée à Matadi. Dans moins d’un an, du 30 avril au 8 mai 2025, l’Agence pour le Développement et la Promotion du Projet Grand Inga (ADPI) et la Banque mondiale entameront une distribution cruciale : les copies provisoires du Plan de Mobilisation des Parties Prenantes (PMPP) et le Plan de Gestion du Cadre Environnemental et Social (PGES). Une manœuvre présentée comme « participative », mais qui soulève des questions brûlantes sur l’avenir écologique et social du Kongo Central.
Derrière les termes techniques se cache un enjeu colossal : obtenir l’adhésion – ou la résignation – des populations face au programme de développement Inga 3 (PDI3). Ce projet pharaonique, présenté comme le sauveur énergétique de la RDC, risque de bouleverser irréversiblement les équilibres naturels et humains de la région. Le PGES, ce document censé cadrer les impacts environnementaux, ressemble à un pansement sur une fracture ouverte. Suffira-t-il à contenir les dommages collatéraux d’un tel chantier ?
« Participation effective et inclusive » : le mantra officiel sonne creux dans une province où 72% des ménages n’ont toujours pas accès à l’électricité. Comment croire à une consultation authentique quand les documents clés arrivent comme un ultimatum ? Les parties prenantes – communautés locales, organisations civiles, experts indépendants – auront-elles vraiment voix au chapitre ? Ou assiste-t-on à une mascarade de démocratie participative ?
La nature congolaise retient son souffle. Le bassin du fleuve Congo, deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie, tremble à chaque avancée du projet Inga. Le PGES promet de « recenser les personnes affectées » et d’« améliorer la gestion des risques ». Mais l’histoire récente des grands barrages africains montre une litanie de déplacements forcés et d’écosystèmes saccagés. Le lac Inga deviendra-t-il le prochain cimetière écologique ?
L’ADPI, créée par ordonnance présidentielle, joue un rôle ambigu. À la fois promoteur du projet et garant de son acceptabilité sociale, l’agence marche sur une corde raide. Son plan de mobilisation ressemble à une opération de séduction à haut risque. Entre les lignes du PMPP se dessine une vérité crue : sans l’approbation des populations, le rêve hydroélectrique congolais pourrait tourner au cauchemar géopolitique.
Les défis sont titanesques. Comment concilier développement énergétique et préservation de la biodiversité ? Les promesses d’énergie propre voleront-elles en éclats face aux appétits industriels ? Et surtout : les retombées profiteront-elles enfin aux Congolais, ou suivront-elles la voie tracée par des décennies d’exploitation minière prédatrice ?
La clé se niche peut-être dans ces 10 jours cruciaux de mai 2025. Matadi devient l’épicentre d’un bras de fer invisible. D’un côté, les ingénieurs et bailleurs internationaux pressés de lancer les turbines. De l’autre, des communautés riveraines qui redoutent de perdre leurs terres sans compensation équitable. Entre les deux, une forêt tropicale qui ignore qu’on joue son arrêt de mort.
Le compte à rebours est enclenché. La RDC se trouve à un carrefour historique : devenir le laboratoire d’une transition énergétique inclusive ou reproduire les erreurs qui ont saigné le continent. L’issue dépendra de la vigilance citoyenne – et de la capacité des Congolais à transformer cette consultation éclair en véritable levier de pouvoir.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd