La province du Nord-Kivu, déjà éprouvée par de multiples défis sanitaires, fait face à une nouvelle menace : la fièvre charbonneuse. Depuis février 2024, onze cas humains suspects de cette maladie infectieuse ont été identifiés dans la zone de santé de Lubero, selon la Division provinciale de la Santé (DPS) de Butembo. Un décès humain a été confirmé cette semaine, tandis que des cas animaux alimentent les craintes d’une propagation accélérée.
Une maladie silencieuse aux multiples visages
Appelée anthrax dans sa terminologie médicale, cette infection bactérienne se transmet principalement par contact avec des animaux infectés ou des produits contaminés. « Imaginez une bactérie capable de se transformer en spore et de survivre des années dans le sol avant de contaminer un troupeau », explique un expert sanitaire sous couvert d’anonymat. Trois formes principales existent : cutanée (via des lésions), gastro-intestinale (par ingestion) et pulmonaire (inhalation), chacune nécessitant une prise en charge urgente.
« Nous avons procédé à l’incinération des bêtes mortes conformément aux protocoles. Les échantillons prélevés sont en cours d’analyse », a insisté Mumbere Luhavo Damulu, responsable communication santé à Butembo.
Symptômes alarmants et chaînes de transmission
Les patients présentent des éruptions cutanées noirâtres évoquant des brûlures, accompagnées de fièvre persistante et de difficultés respiratoires. Les formes digestives se manifestent par des douleurs abdominales intenses et des diarrhées sanglantes – des signes qui pourraient être confondus avec d’autres pathologies tropicales fréquentes en RDC.
Cette éclosion locale s’inscrit dans un foyer épidémique plus large : quatre zones de santé autour du lac Édouard, frontalières avec l’Ouganda, rapportent 17 cas suspects. L’OMS confirme un décès humain et des investigations transfrontalières en cours. « La collaboration avec les autorités ougandaises est cruciale, les maladies ne connaissent pas les frontières », souligne le Dr Boureima Hama Sambo de l’OMS-RDC.
Une réponse multisectorielle en marche
Face à cette crise, trois axes d’intervention ont été déployés :
- Vaccination massive du bétail dans les zones à risque
- Surveillance épidémiologique renforcée avec traçage des contacts
- Campagnes de sensibilisation sur les pratiques à risque
Des équipes mobiles sillonnent les villages pour expliquer les dangers de la consommation de viande non inspectée. « Un boucher clandestin peut devenir un vecteur de mort », alerte une affiche de prévention diffusée sur les réseaux sociaux locaux.
Le spectre de Virunga et l’approche « Une seule santé »
Les récentes morts d’hippopotames et de buffles dans le parc des Virunga, survenues fin mars, constituent un signal d’alarme supplémentaire. Ces événements illustrent l’interdépendance entre santé animale, humaine et environnementale – principe au cœur de la stratégie « Une seule santé » promue par les autorités.
« Notre objectif est de briser la chaîne de transmission zoonotique par des actions coordonnées avec les vétérinaires et les écologues », précise le représentant de l’OMS.
Protection collective : les gestes qui sauvent
En attendant les résultats définitifs des analyses, les spécialistes recommandent :
- Éviter tout contact avec des animaux morts non identifiés
- Cuire systématiquement la viande à haute température
- Consulter immédiatement en cas de symptômes évocateurs
Avec un traitement antibiotique précoce, le taux de survie dépasse 90%. Mais le délai de prise en charge reste critique, surtout dans les zones reculées. Les formations sanitaires de Lubero ont été approvisionnées en kits d’urgence, tandis que des drones médicaux sont testés pour acheminer des échantillons vers les laboratoires de Kinshasa.
Cette crise souligne une fois encore l’importance cruciale des systèmes de surveillance épidémiologique dans les régions à écosystèmes fragiles. La mobilisation internationale autour du Nord-Kivu pourrait servir de test pour de futures ripostes intégrées aux épidémies zoonotiques en Afrique centrale.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd