Dans un contexte où les ombres des accords passés planent encore sur Kinshasa, une lettre ouverte signée par une quarantaine d’intellectuels congolais vient jeter un pavé dans la mare diplomatique. Adressée au président Félix Tshisekedi, cette missive dénonce avec virulence le manque de transparence entourant l’accord de principes scellé entre la RDC et le Rwanda sous médiation américaine. Un document qualifié de « boîte noire » par ses détracteurs, tant ses clauses restent obscures aux yeux des citoyens.
« Comment prétendre bâtir une paix durable dans l’Est en reproduisant les recettes qui ont conduit à la dilapidation de notre patrimoine national ? », s’interrogent les signataires. La référence aux contrats léonins des années 2000, où les ressources minières congolaises finançaient davantage les économies voisines que le développement local, résonne comme un avertissement cinglant. Le Dr Guy Mathe, consultant international et figure emblématique du collectif, rappelle d’une voix martelée : « Négocier dos au mur ne signifie pas capituler. Le cuivre et le cobalt ne sont pas des monnaies d’échange, mais le sang vital des générations futures. »
L’analyse des experts met en lumière un paradoxe troublant : alors que le gouvernement congolais clame sa souveraineté retrouvée, les modalités de cet accord ressuscitent les vieux démons du marchandage transfrontalier. Les intellectuels pointent un risque de répétition historique où, sous couvert de normalisation des relations, se tramerait une nouvelle forme de prédation institutionnalisée. « Chaque signature apposée dans l’opacité creuse le tombeau de notre indépendance économique », tonne un passage de la lettre.
La revendication centrale du collectif – l’intégration de la justice transitionnelle dans le processus de paix – apparaît comme un test décisif pour l’exécutif. Cette exigence, qui impliquerait des mécanismes de réparation pour les pillages systématiques documentés par l’ONU, se heurte frontalement à la realpolitik des négociations. « Voulons-nous d’une paix bâtie sur l’amnésie, ou d’une réconciliation ancrée dans la vérité des comptes ? », questionne rhétoriquement un universitaire signataire joint par Congo Quotidien.
Les récentes déclarations du porte-parole gouvernemental assurant que « rien ne sera cédé » peinent à convaincre une opinion publique méfiante. La mémoire des contrats miniers iniques, dont certains liés à des groupes armés, alimente les craintes d’un nouvel épisode de resource curse. « L’histoire jugera sévèrement ceux qui troqueraient des minerais contre des promesses évanescentes de sécurité », prévient les intellectuels, dans une formule à l’adresse directe du Palais de la Nation.
Alors que les pourparlers de Washington font l’objet d’un black-out médiatique inhabituel, cette fronde intellectuelle ouvre un nouveau front politique. Elle place Tshisekedi devant un dilemme cornélien : poursuivre une diplomatie du secret héritée des crises précédentes, ou saisir l’occasion pour instaurer un nouveau standard de transparence. La réponse à cette équation déterminera non seulement le succès des négociations en cours, mais aussi la crédibilité des ambitions réformatrices du chef de l’État.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net