La Fédération des Entreprises du Congo (FEC) a marqué un point d’étape significatif dans son dialogue avec le pouvoir exécutif. Mercredi 30 avril, une délégation patronale conduite par Robert Malumba s’est entretenue avec la Première ministre Judith Suminwa, saluant son « engagement » en faveur d’un climat des affaires plus propice. Un échange qui intervient dans un contexte où 67% des entreprises de l’Est congolais signalent une contraction d’activité liée à l’insécurité, selon les chiffres internes de la FEC.
Au cœur des discussions : la traduction concrète des mesures d’allègements fiscaux annoncées par Kinshasa. « L’économie tourne au ralenti », a martelé Malumba, pointant du doigt le décalage entre les annonces gouvernementales et leur opérationnalisation sur le terrain. Un paradoxe à l’heure où le gouvernement affiche une croissance nationale projetée à 5,1% pour 2024, selon les dernières prévisions du FMI.
La situation critique des provinces orientales domine les préoccupations. Depuis l’intensification des activités des groupes armés, près de 40% des unités de production minière et agricole auraient réduit leurs capacités opérationnelles. « Comment maintenir une activité économique viable quand les routes commerciales sont coupées et les sites productifs occupés ? », interroge un expert fiscal sous couvert d’anonymat. La FEC réclame ici un régime fiscal d’exception aligné sur les réalités sécuritaires.
Le gouvernement oppose à ces critiques son plan de résilience économique dévoilé en mars dernier. Ce dispositif prévoit notamment des exonérations ciblées sur la TVA et l’impôt sur les sociétés pour les entreprises opérant dans les zones en conflit. Mais sur le terrain, seules 18% des sociétés éligibles auraient effectivement bénéficié de ces mesures, d’après un rapport d’étape de la Chambre de commerce de Goma.
L’analyse des économistes révèle une tension structurelle. D’un côté, l’État cherche à préserver ses recettes fiscales – cruciales dans un budget où les rentrées minières représentent 32% des revenus. De l’autre, le secteur privé réclame des mesures de sauvegarde immédiates. « C’est l’équation du couteau à double tranchant », explique le professeur Éric Mbuyi, spécialiste des finances publiques. « Trop d’allègements menacent les équilibres budgétaires, mais leur absence risquerait d’asphyxier définitivement le tissu productif oriental ».
La balle semble désormais dans le camp de la Primature. Judith Suminwa a promis « un calendrier opérationnel » pour la mise en œuvre des réformes d’ici fin juin. Reste à savoir si ces engagements suffiront à endiguer l’hémorragie économique dans l’Est. Avec en ligne de mire un enjeu capital : éviter que la crise sécuritaire ne se mue en effondrement systémique du modèle économique congolais, déjà fragilisé par la baisse de 12% des cours mondiaux du cuivre depuis janvier.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net