La signature d’une déclaration de principes entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, le 25 avril à Washington, sous l’égide des États-Unis, a-t-elle vraiment de quoi galvaniser l’opinion publique congolaise ? À en juger par les réactions recueillies ce lundi 28 avril dans les rues de Kinshasa, l’enthousiasme reste mesuré, voire teinté d’un scepticisme profond. Les Kinoises interrogées, souvent en première ligne des conséquences des tensions régionales, questionnent la portée réelle d’un texte présenté comme une avancée diplomatique majeure.
« Les grandes puissances font toujours ce qu’elles veulent, et nous, les Congolais, nous restons là, dans l’attente de solutions qui n’arrivent jamais », lance Elisabeth Madimba, étudiante en droit. Cette défiance, partagée par de nombreuses voix, révèle une fracture entre les déclarations d’intentions politiques et les attentes concrètes des populations de l’Est, éprouvées par des décennies de conflits. Amina Mbenza, mère de famille, résume cette ambivalence : « Ces accords sont souvent signés sans que la population ne soit réellement impliquée. Nous voulons des actions, pas des promesses. »
La déclaration, cosignée par les ministres des Affaires étrangères des deux pays en présence du Secrétaire d’État américain Marco Rubio, aligne pourtant six engagements ambitieux : reconnaissance mutuelle de la souveraineté, intégration économique régionale, soutien à la MONUSCO… Autant de pistes saluées par Washington, qui y voit un « cadre propice à la stabilisation ». Mais sur le terrain congolais, ces concepts peinent à convaincre. Hélène Mwadi, étudiante en sciences politiques, fustige : « Les gouvernements étrangers se mêlent toujours de nos affaires. Si cet accord ne change pas la situation des femmes dans l’Est, ce sera juste du vent. »
Derrière le vernis diplomatique, c’est l’ombre persistante du Rwanda qui alimente les doutes. Sylvie Ngoie, employée dans une ONG, interroge : « L’accord a l’air d’être une tentative de calmer les tensions, mais qu’en est-il des préoccupations de la population ? » Une question qui renvoie aux tensions historiques entre Kigali et Kinshasa, où chaque initiative de paix bute sur la méfiance réciproque. Les États-Unis, promoteurs de ce dialogue, parviendront-ils à transformer ces principes en mécanismes tangibles ? Rien n’est moins sûr, alors que persiste l’accusation de partialité envers le Rwanda, allié stratégique de Washington dans la région.
Les six engagements de la déclaration, bien que structurants, ressemblent à un catalogue de bonnes intentions déjà maintes fois évoquées. La « facilitation du retour des personnes déplacées » ou la « promotion de l’intégration économique » sonnent creux pour des communautés confrontées quotidiennement à l’insécurité. Une militante des droits des femmes, sous couvert d’anonymat, rappelle l’urgence : « Les femmes doivent être au cœur de la reconstruction. Leurs voix sont absentes des négociations. »
Kinshasa joue-t-il là une partie risquée ? En affichant sa bonne volonté diplomatique, le gouvernement congolais tente de rassurer ses partenaires internationaux. Mais le risque est double : d’un côté, mécontenter une opinion publique lassée des effets d’annonce ; de l’autre, offrir à Kigali une légitimité renouvelée sans garanties réelles sur le terrain. La référence au « soutien à la MONUSCO », mission onusienne souvent critiquée pour son inefficacité, ne suffira pas à apaiser les critiques.
L’enjeu désormais ? Transformer ces principes en feuille de route contraignante. Les mois à venir diront si Washington, en arbitre revendiqué, saura imposer un équilibre des pressions. Pour les femmes de l’Est, comme le résume Hélène Mwadi, « vivre en paix sans peur des attaques » reste la seule véritable mesure du succès. Entre realpolitik et attentes populaires, la RDC marche sur une corde raide – un exercice dont les élites politiques congolaises maîtrisent les codes, mais dont les conséquences se joueront loin des capitales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd