Dans un geste présenté comme une réponse à l'urgence humanitaire dans l'Est de la République Démocratique du Congo, le sénateur Jean Tshisekedi Kabasele a officiellement remis ce lundi 28 avril 2025 au gouverneur du Kasaï Central, Moïse Kambulu, des fonds collectés lors d'une parade organisée par sa Fondation FJTK. Une initiative saluée par ses partisans comme un acte de solidarité nationale, mais qui soulève des questions sur les dynamiques politiques à l'œuvre dans les actualités régionales RDC.
« Ces fonds ont été mobilisés par ma fondation […] pour accompagner le chef de l'État, nos vaillants soldats des FARDC et les populations déplacées », a déclaré le sénateur, insistant sur le caractère « patriotique » de cette démarche. L'événement, tenu au stadium de Kananga, épicentre des actualités politiques RDC dans le Kasaï, a réuni des centaines de participants, selon des images partagées par l'entourage du sénateur. Mais derrière les discours unificateurs, certains observateurs pointent un timing stratégique : à quelques mois des échéances électorales locales, ce geste philanthropique pourrait-il servir de tremplin à des ambitions plus larges ?
Le gouverneur Kambulu, récepteur des fonds, a salué « l'engagement indéfectible » de Tshisekedi envers les victimes de la « guerre d'agression rwandaise ». Pourtant, les détails sur le montant exact collecté ou les mécanismes de redistribution restent flous. Dans une région marquée par des conflits historiques et une méfiance envers les élites, cette opacité nourrit les spéculations. S'agit-il véritablement d'un soutien aux populations civiles déplacées, ou d'une mise en scène visant à consolider l'influence politique du sénateur dans le Kasaï Central ?
Jean Tshisekedi, fils de l'emblématique opposant Étienne Tshisekedi, semble marcher sur une ligne fragile. Tout en affichant son soutien au président en place – « qui multiplie les initiatives pour une paix durable » –, il cultive une image d'indépendance via sa fondation. Un équilibre délicat, alors que les analyses politiques RDC soulignent les tensions croissantes entre le pouvoir central et les figures locales. « Le sénateur joue un double jeu : il capitalise sur le mécontentement populaire tout en se présentant comme un relais du gouvernement », analyse un expert sous couvert d'anonymat.
Reste la question de l'impact réel de ces fonds sur le terrain. Alors que les provinces de l'Est subissent une crise humanitaire sans précédent, les sommes collectées à Kananga – dont le montant n'a pas été dévoilé – paraissent dérisoires face à l'ampleur des besoins. Ce geste symbolique suffira-t-il à apaiser les critiques sur l'inaction des autorités congolaises ? Ou n'est-il qu'un écran de fumée masquant l'incapacité de l'État à protéger ses citoyens ?
Dans le paysage des nouvelles congolaises, cet épisode illustre une tendance plus large : la privatisation de la solidarité nationale par des acteurs politiques. Alors que la Constitution congolaise assigne à l'État le rôle de garant de la sécurité collective, le recours croissant aux fondations privées interroge. « Quand des sénateurs se substituent aux institutions, cela révèle une faillite systémique », dénonce un membre d'une ONG locale.
L'enjeu désormais sera de suivre la traçabilité de ces fonds. Le gouverneur Kambulu promet une « utilisation transparente », mais l'histoire récente de la RDC est émaillée de promesses similaires non tenues. Dans une province comme le Kasaï Central, où les tensions ethniques et les rivalités politiques persistent, toute mauvaise gestion pourrait attiser les conflits. La balle est désormais dans le camp des autorités provinciales : sauront-elles transformer ce geste médiatisé en actions concrètes ?
Alors que Kinshasa actualités se focalisent sur les négociations avec le Rwanda, cet événement rappelle que la guerre se joue aussi sur le front intérieur – celui de la légitimité politique. À l'approche des scrutins locaux, chaque initiative caritative devient un marqueur d'influence. Jean Tshisekedi l'a compris : en temps de crise, le capital sympathie se monnaie aussi en billets de banque.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
