« C’était un spectacle de désolation. Des corps coincés sous des montagnes de barres de fer, des cris étouffés par le choc… Je n’oublierai jamais cette scène. » La voix tremblante, un témoin décrit l’accident qui a ensanglanté la route nationale numéro 1 à Mbanza-Ngungu, ce mardi 29 avril 2025. Un véhicule remorque transportant des matériaux de construction a perdu le contrôle vers 10h30, provoquant une tragédie : deux morts sur le coup, six blessés graves évacués d’urgence à l’hôpital de Nsona Nkulu. Les images virales sur les réseaux sociaux, bien que glaçantes, ne capturent qu’une infime partie de l’horreur vécue par les victimes et leurs familles.
Mais au-delà du drame humain, cet accident interroge. Pourquoi la route nationale numéro 1, artère vitale reliant Matadi à Kinshasa, reste-t-elle un couloir de la mort ? « Le camion a dévié brusquement, peut-être à cause d’un frein défectueux ou d’une surcharge », suggère un habitant sous anonymat. Une hypothèse plausible dans un pays où le contrôle technique des poids lourds relève souvent du parcours du combattant. Les barres de fer éparpillées sur la chaussée, symboles d’une économie en reconstruction, sont-elles devenues des armes mortelles faute de régulation ?
Le Kongo Central, poumon économique de la République Démocratique du Congo, paie un lourd tribut à l’insécurité routière. En 2023 déjà, un rapport de la direction provinciale des transports alertait sur l’état « catastrophique » des camions circulant dans la région. Pneus lisses, systèmes de freinage obsolètes, surcharges chroniques… Les conducteurs, souvent précaires, naviguent entre pression des employeurs et risques mortels. « On n’a pas le choix », confiait en off un chauffeur de Matadi en 2024. « Si je refuse de transporter 20 tonnes de plus, dix autres sont prêts à prendre ma place. »
Les autorités locales promettent régulièrement des « mesures chocs ». Pourtant, sur le terrain, peu de changements. Le poste de contrôle de Mbanza-Ngungu, théoriquement équipé pour peser les véhicules, fonctionne-t-il à plein régime ? Un gendarme, sous couvert d’anonymat, lâche : « Nous manquons de moyens. Et parfois, la corruption prend le pas sur la réglementation. » Un aveu qui fait froid dans le dos quand on sait que chaque année, des centaines de Congolais meurent sur des routes délabrées.
Cet accident pose aussi la question des secours. Si l’hôpital de Nsona Nkulu a pu accueillir les blessés, qu’en est-il des structures sanitaires rurales ? « Nous n’avons pas de scanner ni de bloc opératoire adapté aux polytraumatisés », reconnaît un médecin de la région. Dans un pays où le système de santé reste fragile, chaque accident de la route devient une course contre la montre où la vie dépend souvent… du hasard.
Au final, derrière les chiffres – 2 morts, 6 blessés – se cache un enjeu de société brûlant. Comment concilier développement économique et sécurité des citoyens ? Les barres de fer qui jonchent aujourd’hui la route de Mbanza-Ngungu construiront-elles demain des écoles et des hôpitaux… ou serviront-elles à forger de nouvelles croix funéraires ? La République Démocratique du Congo ne pourra durablement avancer qu’en mettant la vie de ses enfants au cœur de ses priorités.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd