Dans les collines verdoyantes de l’Ituri, où la tradition se mêle aux réalités d’une province meurtrie par des décennies de conflits, un cri d’alarme retentit. « Nos coutumes sont prises en otage par ceux qui brandissent les armes au lieu du dialogue », lance Mathieu Beabo Anzabo, chef de la chefferie des Andisoma. Son témoignage, vibrant de colère et d’urgence, résume le constat accablant dressé par une centaine de chefs coutumiers à l’issue d’un séminaire de trois jours organisé avec l’appui de la MONUSCO. Au cœur des débats : l’ingérence croissante des groupes armés dans la gouvernance locale, un poison qui corrode les fondements mêmes de la cohabitation pacifique.
Comment en est-on arrivé à cette situation où les kalachnikovs dictent les règles des conflits ancestraux ? Les participants ont identifié trois bombes à retardement : les luttes de pouvoir, les litiges frontaliers et le partage des ressources naturelles. Autant de fractures exploitées par des leaders armés qui, selon les chefs, « transforment nos querelles en bains de sang ». Résultat : plus de 400 conflits coutumiers enregistrés en 2023 par le ministère de l’Intérieur, autant d’étincelles ayant alimenté les violences armées.
Derrière ces chiffres se cache une réalité sociale explosive. « Un jeune qui voit son champ spolié ou son droit à la parole bafoué devient de la poudre humaine prête à s’enflammer », analyse un participant sous couvert d’anonymat. Les groupes armés, habiles manipulateurs, recrutent ainsi dans le terreau fertile des frustrations communautaires. Une dynamique qui questionne l’efficacité des mécanismes traditionnels de résolution des conflits face à cette nouvelle donne sécuritaire.
Le gouvernement congolais, par la voix du ministère des Affaires coutumières, salue cet engagement des chefs à soutenir ses initiatives de paix. Mais sur le terrain, le défi reste immense. Comment restaurer l’autorité de l’État dans des zones où la loi des armes prime sur le code coutumier ? La MONUSCO, partenaire clé de ce séminaire, mise sur le renforcement des dialogues intercommunautaires. Une approche saluée, mais qui butte contre l’urgence sécuritaire.
Cette crise multidimensionnelle interpelle autant Kinshasa que la communauté internationale. Les récentes actualités politiques RDC montrent une attention accrue sur l’Est du pays, mais suffira-t-elle ? « Notre légitimité se mesure à notre capacité à protéger nos sujets », rappelle un chef de Goma, soulignant l’enjeu crucial de souveraineté. Alors que les actualités régionales RDC font état de tensions persistantes, la question du partage des ressources naturelles – or, terres agricoles – apparaît comme la pierre angulaire de toute solution durable.
L’engagement des chefs coutumiers ouvre une lueur d’espoir dans cette province minée par les violences. Mais leur combat ressemble à celui de David contre Goliath : face à des groupes armés suréquipés et ancrés dans l’économie de guerre, la tradition peut-elle retrouver sa voix ? La réponse se jouera autant dans les palais de justice que dans les cases de dialogue communautaire. Une chose est sûre : sans justice sociale et reconnaissance des droits coutumiers, l’Ituri risque de rester un volcan en sursis.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
