Des cris d’enfants mêlés au bruit des ballots précipitamment chargés sur des charrettes branlantes. C’est le spectacle désolant qui accueille les humanitaires dans l’aire de santé de Bishusha, en territoire de Rutshuru. « Nous avons tout abandonné quand les balles ont sifflé près de notre champ », confie Mukarugema, mère de six enfants, les traits creusés par trois jours de marche forcée. Comme elle, environ 250 ménages – soit plus de 1 500 personnes – ont trouvé refuge dans ce coin oublié du Nord-Kivu, fuyant les affrontements armés qui ont ensanglanté neuf villages du groupement Bukombo entre le 8 et le 16 juin dernier.
Ce nouveau contingent de déplacés Rutshuru s’ajoute à un flux humanitaire déjà catastrophique : 1 206 ménages retournés entre février et avril, après l’occupation de Goma et le démantèlement des sites environnants. La chefferie de Bwito, théâtre récurrent de violences, compte désormais 1 475 familles – 8 553 âmes – en « situation de vulnérabilité extrême » selon le rapport alarmant publié ce vendredi par l’ONG suisse HEKS EPER. Une crise humanitaire RDC qui s’aggrave à mesure que les combats se multiplient dans l’Est congolais.
« Les nouveaux arrivants dorment à même le sol, sous des bâches trouées ou des feuillages improvisés », décrit un agent humanitaire sur place. Les villages de Kazuba, Masha et Kanyatsi, parmi d’autres touchés par les violences Bwito, ont vu leurs habitants fuir sans vivres ni effets personnels. Comment expliquer que des communautés entières continuent de payer le prix de conflits qu’elles n’ont pas créés ? La réponse se lit dans les regards vides d’enfants malnutris et de femmes épuisées.
L’appel lancé par HEKS EPER résonne comme un cri dans le désert. L’œuvre d’entraide protestante, active depuis 1946, demande d’urgence aux partenaires internationaux « des réponses adéquates » pour ces déplacés Nord-Kivu. Ses équipes, présentes dans les zones reculées du Kivu, tentent d’apporter une aide minimale en eau et assainissement. Mais comment combler l’immensité des besoins quand les routes d’accès sont coupées et l’insécurité permanente ?
Cette nouvelle vague de déplacement illustre l’engrenage infernal qui mine l’Est congolais depuis des décennies. Derrière les chiffres froids – 8 553 personnes en détresse – se cachent des drames humains répétés. Les familles survivent dans des conditions inhumaines, sans abri décent, sans nourriture suffisante, sans accès aux soins de base. Pendant ce temps, la communauté internationale semble détourner le regard. Jusqu’à quand ?
La situation à Bishusha pose une question fondamentale : combien de rapports alarmants faudra-t-il encore avant une mobilisation concrète ? L’aide HEKS EPER, bien que vitale, ne suffira pas à elle seule. Ces déplacés Rutshuru symbolisent l’échec collectif face à une crise qui dépasse largement le cadre humanitaire pour toucher aux racines mêmes de la gouvernance et de la paix dans la région. Leur calvaire rappelle cruellement que sans solution politique durable, l’Est de la RDC continuera de générer des tragédies en série.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
