Le système fiscal congolais entame sa mue la plus radicale depuis des décennies. À compter du 1er juillet, l’usage de la facture normalisée obligatoire devient la règle intangible pour tous les contribuables sur l’ensemble du territoire national. Cette décision, officialisée par le ministre des Finances Doudou Fwamba Likunde lors d’une réunion technique à Kinshasa, s’accompagne du déploiement massif d’un dispositif électronique fiscal (DEF). Ce boîtier connecté transmettra en flux continu les données de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) directement à la Direction générale des impôts (DGI), posant les bases d’une modernisation système fiscal sans précédent.
Cette réforme fiscale RDC, élaborée avec le concours du groupement technologique SITAX et validée par le Comité technique de pilotage, répond à un triple impératif : renforcer la DGI traçabilité des opérations commerciales, asphyxier les circuits de fraude et doper les recettes intérieures. « Ce mécanisme incarne notre volonté politique de rompre avec l’économie informelle », a martelé le ministre Fwamba, soulignant que l’objectif final est « d’intégrer durablement tous les opérateurs dans un cadre fiscal structuré ». Une révolution administrative qui pourrait augmenter de 20 à 30% la collecte de TVA selon des estimations internes à la DGI.
Mais comment garantir l’adhésion des acteurs économiques et des consommateurs ? Le gouvernement mise sur une stratégie à deux étages. D’un côté, des mesures incitatives encore non dévoilées encourageront les citoyens à exiger systématiquement leurs factures – transformant chaque acheteur en vigie du système. De l’autre, une vaste campagne de sensibilisation « de proximité » sera déployée pour expliquer les bénéfices concrets de cette mutation. « Sans appropriation par la base, même le système le plus performant échouera », reconnaît un cadre de la DGI, insistant sur l’urgence d’« adapter le discours aux réalités des marchés populaires ».
L’architecture opérationnelle prévoit la désignation de points focaux dans chaque direction provinciale des impôts, supervisant un « encadrement renforcé » des services déconcentrés. Le DEF, véritable colonne vertébrale du dispositif, agira comme un électrocardiogramme fiscal en monitorant chaque transaction commerciale. Une avancée technologique majeure pour un pays où moins de 15% des échanges étaient jusqu’ici formalisés. « Ce système crée un levier de pression populaire inédit », estime un expert des finances publiques contacté par Congo Quotidien. « Quand le citoyen réalisera que chaque facture contribue à l’école ou à l’hôpital, il deviendra naturellement contrôleur social ».
Les enjeux dépassent la simple efficacité administrative. Cette réforme s’inscrit dans un vaste chantier de refondation de la gouvernance économique, articulé autour des principes sacro-saints d’équité et de transparence. À l’heure où la RDC négocie son adhésion à la Communauté d’Afrique de l’Est, la crédibilité fiscale devient un passeport pour l’intégration régionale. Reste le défi de la mise en œuvre : le calendrier serré – moins de 10 jours avant l’entrée en vigueur – et les problèmes d’approvisionnement en matériel dans l’arrière-pays interrogent sur la progressivité réelle du déploiement. Pourtant, la DGI se veut rassurante : « Le DEF sera d’abord déployé dans les centres urbains avant une généralisation échelonnée », précise-t-on dans l’entourage du ministre.
Cette métamorphose numérique du fisc congolais pourrait bien reconfigurer toute l’architecture économique nationale. Si les premiers résultats se révèlent concluants, le modèle pourrait s’étendre à l’impôt sur les sociétés dès 2025. Une perspective qui fait déjà frémir les détracteurs d’un « Big Brother fiscal », mais qui enthousiasme les partisans d’un État moderne. Comme le résume un opérateur économique de Gombe : « C’est douloureux à court terme, mais vital pour assainir le jeu économique ». Le compte à rebours est lancé : le 1er juillet marquera-t-il l’acte de naissance d’une nouvelle ère fiscale ou un rendez-vous manqué avec l’histoire ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
