L’ombre de Joseph Kabila plane à nouveau sur la scène politique congolaise. Par la voix de son conseiller diplomatique Barnabé Kikaya Bin Karubi, l’ancien chef de l’État a conditionné samedi sa participation à tout dialogue politique à l’existence d’une « structure crédible » d’organisation. Cette déclaration intervient dans un contexte où les efforts des confessions religieuses pour faciliter un pacte social viennent d’aboutir à des propositions concrètes remises au président Félix Tshisekedi.
« Il faut qu’il y ait une structure qui organise ce dialogue », a insisté Kikaya, tout en saluant l’initiative des évêques catholiques et protestants dont les consultations ont sillonné la RDC et la diaspora durant trois mois. Le porte-parole de l’ancien président a laissé entendre que son patron pourrait rejoindre la table des négociations si ce cadre institutionnel prenait forme : « Si l’initiative des évêques aboutissait demain, vous verriez M. Kabila autour de la table. » Une position qui soulève d’emblée une question cruciale : quelle entité pourrait incarner cette crédibilité exigée par l’ancien dirigeant ?
Interrogé sur un éventuel retour de Joseph Kabila à Kinshasa, son conseiller diplomatique a répondu par un laconique « Ça viendra. Mais ça viendra certainement », alimentant les spéculations sur une reconquête du terrain politique national. Ce silence stratégique pourrait-il masquer des négociations souterraines ?
L’analyse de Barnabé Kikaya s’est ensuite portée sur l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, dont la signature est prévue le 27 juin à Washington sous facilitation américano-qatarie. L’ancien ambassadeur a émis de sérieuses réserves : « Résoudre la question congolaise par une signature avec le Rwanda, c’est faire fausse route. » Un avertissement cinglant qui pointe du doigt l’insuffisance d’une approche strictement bilatérale, selon lui. Kikaya affirme avoir personnellement sensibilisé les facilitateurs sur la nécessité impérieuse d’un dialogue interne préalable.
Cette sortie médiatique ne relève pas du hasard calendaire. Elle survient quelques heures à peine avant que les chefs religieux ne remettent au président Tshisekedi les conclusions de leur marathon consultatif pour un pacte social axé sur « la paix et le bien-vivre ensemble ». La présidence a immédiatement annoncé la mise en place d’une équipe technique chargée d’approfondir les échanges avec la délégation ecclésiastique. Un timing qui interroge : l’exécutif actuel et l’ancien président jouent-ils dos à dos ou sur des échiquiers entremêlés ?
Le fil rouge de cet imbroglio politique semble être la quête d’une légitimité d’organisation. Alors que Joseph Kabila réclame une structure crédible pour le dialogue politique Congo, les religieux viennent justement de proposer un cadre via leur pacte social RDC. L’accord paix RDC Rwanda, quant à lui, risque de se heurter à l’écueil prévisible d’une solution externe sans règlement des fractures internes. Dans ce jeu d’échecs complexe, Barnabé Kikaya campe son mentor en « homme de paix, homme de dialogue », une posture qui pourrait bien redessiner les alliances préélectorales. La balle est désormais dans le camp des acteurs institutionnels : sauront-ils transformer cette multiplicité d’initiatives en processus unifié ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
