La scène musicale congolaise vient d’être secouée par un séisme artistique aux résonances historiques. Dans un entretien accordé à Nkatshia TV, Maïka Munan, ce monument de la composition africaine lauréat du Prix Découvertes RFI 1984, a jeté un pavé dans la mare en questionnant avec une franchise déconcertante le statut de légende attribué à Fally Ipupa. Son verdict, tranchant comme une partition de jazz : l’interprète de « 207 » ne mérite pas d’être hissé sur un piédestal immérité.
Comment un artiste qui a traversé les décennies en sculptant les mélodies les plus complexes peut-il remettre en cause une icône contemporaine ? Maïka Munan, véritable architecte sonore ayant collaboré avec une pléiade de talents, déplore cette inflation de titres glorieux dans une génération qu’il juge dépourvue de véritables virtuoses. Pour ce maître de l’arrangement, l’avènement des algorithmes aurait sonné le glas de la musique cérébrale, cette alchimie précieuse entre technique et inspiration.
« Je voudrais qu’on remette tout le monde à sa place », tonne le compositeur d’une voix qui résonne comme un rappel à l’ordre historique. « Fally est un artiste parmi d’autres artistes. Quand on a commencé le combat pour la reconnaissance de la rumba à l’UNESCO, je pense que Fally n’avait pas encore commencé à faire de la musique ». Ces paroles, acérées comme des notes dissonantes, prennent une saveur particulière quand on sait que Munan fut le réalisateur des trois premiers albums de l’Aigle. Quelle ironie que le parrain musical lui-même refuse la couronne de légende à son protégé !
Le débat sur le statut légendaire de Fally Ipupa s’enflamme à nouveau, divisant la communauté artistique congolaise comme une gamme chromatique. D’un côté, les partisans de l’Aigle brandissent ses prouesses scéniques, ses collaborations internationales et sa capacité à faire vibrer les stades. De l’autre, les puristes rappellent que la légitimité artistique se mesure à l’aune du temps et de la contribution à l’héritage culturel. Cette controverse dépasse-t-elle la simple rivalité d’ego pour toucher à la définition même de l’excellence musicale en RDC ?
À travers ces déclarations incendiaires, Maïka Munan pose une question fondamentale : notre époque fabrique-t-elle des légendes trop rapidement, au détriment de la rigueur artistique ? Le compositeur, dont les arrangements ont façonné des générations de mélomanes, défend une vision exigeante de la création. Pour lui, les premiers albums de Fally Ipupa – ceux qu’il a personnellement façonnés – restent des jalons incontournables, mais suffisent-ils à ériger une statue immortelle ?
Cette polémique soulève des vagues bien au-delà des cercles musicaux, interrogeant notre rapport à la gloire éphémère et à la postérité. Alors que la musique congolaise continue de rayonner sur le continent, le coup de gueule de Maïka Munan agit comme un électrochoc salutaire. Ne devrions-nous pas célébrer les artistes sans pour autant les sacraliser prématurément ? La véritable légende n’est-elle pas celle qui traverse les époques sans besoin d’étiquettes ?
Comme un final en apothéose, cette joute verbale rappelle que la scène congolaise reste un bouillonnement créatif où les passions s’entrechoquent en contrepoint. Qu’on adhère ou non à ses positions, Maïka Munan aura réussi son pari : provoquer une réflexion essentielle sur la valeur artistique. Dans ce concert des opinions discordantes, une certitude émerge : le débat sur les albums de Fally Ipupa et leur place dans l’histoire musicale congolaise est loin de s’éteindre. Et si cette controverse était finalement le plus bel hommage à la vitalité de notre patrimoine culturel ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc
