Dans un quartier populaire de Kinshasa, Marie, mère de cinq enfants, partage un bol de manioc entre ses petits. « Parfois on saute le repas du soir », murmure-t-elle, les yeux rivés sur des ventres gonflés par la malnutrition. Cette réalité cruelle touche 28 millions de Congolais, un chiffre qui résonne comme un cri d’alarme. C’est dans ce contexte que le Programme Alimentaire Mondial (PAM) vient de désigner l’artiste Rebecca Kalonji, alias Sista Becky, comme ambassadrice de la nutrition en RDC.
La rappeuse engagée, connue pour ses textes percutants sur les injustices sociales, portera désormais haut la voix des victimes de la faim. « L’accès à une alimentation saine ne devrait pas être un privilège, mais un droit », affirme-t-elle avec cette conviction qui a fait sa marque. Son rôle ? Mobiliser les communautés, surtout les jeunes, autour des enjeux vitaux de la nutrition RDC. Le PAM mise sur son influence pour amplifier les campagnes de sensibilisation dans un pays où 42% des enfants de moins de cinq ans souffrent de retards de croissance.
À 500 kilomètres de là, dans la province du Kwilu, un autre symbole de l’engagement féminin se dessine. Le nouveau gouvernement provincial du gouverneur Philippe Akamituna compte désormais deux femmes parmi ses dix membres. Clémentine Mindanda, ex-ministre du Travail, hérite du portefeuille stratégique de la Pêche, de l’Élevage, du Genre et de la Famille. Une nomination qui résonne dans cette région rurale où les femmes constituent pourtant l’épine dorsale de l’agriculture familiale.
Ces deux événements tracent-ils une nouvelle trajectoire pour la parité politique Congo ? Si la présence féminine reste minoritaire – seulement 20% de l’exécutif provincial – elle s’inscrit dans une lente évolution. Le Kwilu rejoint ainsi les provinces tentant d’incarner la promesse de l’article 14 de la Constitution congolaise garantissant la parité. Mais le chemin reste ardu : à l’échelle nationale, les femmes occupent à peine 12% des sièges parlementaires.
Entre la nomination de Sista Becky et celle des ministres provinciales, un fil rouge se tisse : celui de la responsabilisation des femmes engagées RDC dans des secteurs clés. D’un côté, le combat humanitaire contre l’insécurité alimentaire qui frappe particulièrement les mères et leurs enfants. De l’autre, la gouvernance locale où leur influence pourrait reconfigurer les politiques sociales. « Quand une femme décide, elle pense d’abord à la marmite », lance un habitant de Bandundu, résumant une attente populaire.
Pourtant, derrière ces avancées symboliques, les défis persistent. Comment transformer ces nominations en actions concrètes ? La malnutrition RDC nécessite plus qu’une ambassadrice : elle exige des infrastructures et des budgets. Quant au gouvernement Kwilu, sa crédibilité se jugera à sa capacité à intégrer réellement les femmes dans la prise de décision, au-delà des portefeuilles traditionnellement « féminins ». La route vers l’égalité reste semée d’embûches, mais ces pas, aussi timides soient-ils, dessinent l’espoir têtu d’un Congo où les femmes ne seront plus des figurantes de l’histoire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
