Le visage maculé de poussière, un enfant de 10 ans tend la main devant le marché central de Beni. Son père combat dans les rangs des FARDC depuis trois ans. Comme lui, plus de 60 000 enfants de militaires sombrent dans la précarité au cœur du Nord-Kivu, selon le rapport accablant publié ce jeudi par l’Association des enfants des soldats au front pour la paix (ASESOFP). Une réalité qui interpelle notre conscience collective.
« À Beni, nous avons observé que les enfants de militaires vivent une vulnérabilité extrême », alerte Serge Masimango Liwela, coordonnateur de l’ONG locale. Son enquête semestrielle dresse un tableau insoutenable : 50% de ces mineurs sont exclus du système scolaire, livrés à une lutte quotidienne pour leur survie. Certains dorment dans des centres temporaires, d’autres errent dans les rues ou survivent grâce à la charité de familles d’accueil.
Comment expliquer cette détresse dans une zone en conflit ? Les témoignages recueillis révèlent des situations déchirantes. « Parmi eux, il y a des enfants non accompagnés, exploités économiquement, orphelins ou victimes de violences », précise Masimango. Le matin, beaucoup rejoignent les carrefours pour mendier un repas, leurs uniformes scolaires remplacés par des haillons. Cette précarité à Beni frappe particulièrement les filles, exposées aux pires sévices.
Face à l’urgence, l’ASESOFP lance un plaidoyer cinglant : « Nous demandons au gouvernement de matérialiser l’effort de guerre, car nous, enfants des soldats au front, ne le ressentons pas ». L’association pointe l’abandon de ces familles par les structures étatiques, le Service d’éducation civique (SECAS) des FARDC restant injoignable malgré nos sollicitations. Les enfants soldats en RDC ne sont pas que ceux enrôlés de force ; ce sont aussi ces innocents sacrifiés par l’inaction.
Le rapport formule des recommandations claires : allocation de bourses scolaires, création de cantines sociales et protection juridique renforcée. « Aux partenaires et ONG, nous disons : n’excluez pas cette frange vulnérable ! », insiste le coordonnateur. Car derrière chaque chiffre se cache un destin brisé. Celui de Junior, 14 ans, contraint de vendre des sachets d’eau depuis que sa mère a succombé au choléra. Ou de Grace, 16 ans, mère précoce après un viol dans un camp de déplacés.
Cette crise des enfants militaires FARDC révèle une faille béante dans notre système de protection sociale. Alors que les combats font rage dans le Grand Nord, qui se soucie de l’enfance sacrifiée ? Le rapport ASESOFP sonne comme un avertissement : sans intervention immédiate, c’est une génération entière qui risque de sombrer. Dans l’ombre des héros en uniforme, leurs progénitures crient aujourd’hui famine. Jusqu’à quand fermerons-nous les yeux sur cette tragédie silencieuse ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
