Dans un sursaut patriotique inattendu, la République Démocratique du Congo assiste à un rapprochement politique aussi subit que crucial. Quelques heures à peine après l’alerte incendiaire lancée par Martin Fayulu sur un risque de balkanisation du pays, le président Félix Tshisekedi a accepté la main tendue de l’opposant. Une volte-face stratégique qui interroge : simple tactique de circonstance ou véritable prise de conscience face à l’abîme ?
Par la voix de sa porte-parole Tina Salama sur X, le chef de l’État a salué « le patriotisme et le sens d’engagement pour la cohésion nationale » de Fayulu, affirmant sa « disponibilité à le rencontrer pour sauver la République ». Cette réponse immédiate fait écho à l’appel désespéré lancé dans une vidéo virale où l’opposant dépeignait une RDC au bord de l’implosion, évoquant « l’une des périodes les plus sombres de notre histoire ». Le spectre de la dislocation territoriale plane particulièrement sur les provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu, largement sous emprise de l’AFC-M23, ce groupe rebelle accusé de soutien rwandais.
Dans une rhétorique martelée comme un réquisitoire, Fayulu avait préalablement interpellé trois figures-clés de ce dialogue national RDC en gestation. À Corneille Nangaa, ancien patron de la CENI devenu coordonnateur de l’AFC-M23, il a asséné : « Cessez d’être complice des massacres […] Aucune ambition ne vaut le prix de la souffrance de tout un peuple ». Une charge d’autant plus cinglante qu’elle vise directement ceux qui « livrent nos ressources aux forces étrangères ».
Joseph Kabila, installé à Goma en pleine zone insurgée, n’a pas été épargné. « Quittez cette ville martyre occupée […] L’Histoire ne pardonne pas les trahisons à la patrie », lui a intimé l’opposant, suggérant une compromission inadmissible avec les forces de déstabilisation. Quant à Tshisekedi, Fayulu lui rappelait sa « responsabilité historique » face à une possible désintégration : « Vous avez le devoir de ne pas laisser notre génération être celle qui aura vu le Congo se désintégrer ».
Cette crise politique congolaise multiforme révèle des fractures béantes. Le ralliement soudain de Tshisekedi à l’idée d’un dialogue interroge sur les calculs en coulisse. Cherche-t-il à désamorcer la pression internationale grandissante ? À récupérer l’onde de choc patriotique initiée par Fayulu ? Ou prend-il enfin la mesure de l’urgence face aux avancées de l’AFC-M23 qui menacent l’intégrité du territoire ?
Les prochains jours seront décisifs pour ce face-à-face inédit entre Martin Fayulu et Tshisekedi. Si la rencontre se concrétise, saura-t-elle dépasser les rancœurs électorales pour esquisser une solution concertée ? Ou ne sera-t-elle qu’une trêve éphémère dans la guerre politique congolaise ? Une chose est certaine : le temps presse. Chaque jour perdu en manœuvres partisanes consolide l’emprise des groupes armés dans l’Est, rapprochant un peu plus le spectre de la partition que tous disent vouloir éviter. La nation attend désormais des actes à la hauteur des discours.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
