La présidence congolaise a officialisé ce jeudi la nomination de Nyakeru KalungaJohn au poste d’ambassadeur de la République démocratique du Congo en Afrique du Sud. Cette décision stratégique intervient moins de quatre mois après le rappel précipité de ce diplomate chevronné de sa précédente affectation au Kenya, révélant les soubresauts persistants dans les relations RDC-Kenya.
Le rappel de l’ambassadeur en décembre 2023 n’était pas un simple roulement protocolaire. Il faisait directement suite au refus catégorique du président kényan William Ruto de procéder à l’arrestation de Corneille Nangaa, chef de la coalition politico-militaire Alliance Fleuve Congo (AFC), également connue sous l’appellation M23. Kinshasa réclamait des mesures coercitives contre Nangaa, dont les déclarations et activités sont perçues comme une menace pour la stabilité de l’Est congolais. Dans une défense sans équivoque des principes démocratiques, Ruto avait rétorqué que le Kenya, en tant qu’État de droit, ne pouvait incarcérer un individu pour ses seules opinions.
Cette nomination à Pretoria représente-t-elle une promotion ou une relégation diplomatique pour KalungaJohn ? Si le poste sud-africain est traditionnellement considéré comme prestigieux, le contexte particulier entourant cette affectation interroge. Certains observateurs y voient une tentative de Kinshasa de tourner la page des tensions avec Nairobi tout en maintenant un cadre de dialogue essentiel avec l’une des puissances économiques majeures du continent. L’Afrique du Sud demeure en effet un partenaire commercial et sécuritaire clé pour la RDC, particulièrement dans le cadre des initiatives régionales de pacification.
Le parcours de Nyakeru KalungaJohn illustre les complexités de la diplomatie congolaise en période de crise. Son expérience kényane, bien que brutalement interrompue, pourrait s’avérer précieuse pour naviguer dans le paysage géopolitique sud-africain où la question de l’implication régionale dans les conflits congolais reste brûlante. Son mandat sera notamment scruté à l’aune des capacités de la RDC à mobiliser ses voisins contre les groupes armés, dont l’AFC de Nangaa continue d’alimenter l’instabilité.
Les répercussions du différend RDC-Kenya semblent toutefois loin de s’effacer. Le refus persistant de Nairobi d’extrader ou de poursuivre Nangaa creuse un fossé de méfiance difficile à combler. Comment Pretoria positionnera-t-elle son arbitrage dans ce contentieux latent ? La réponse pourrait bien déterminer l’efficacité opérationnelle de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) face aux crises sécuritaires récurrentes.
Cette nomination relance également le débat sur l’équilibre entre principes démocratiques et impératifs sécuritaires dans la région. Si la position kényane se réclame de la défense des libertés fondamentales, Kinshasa estime quant à elle que certaines déclarations franchissent la ligne rouge de l’appel à la violence. Cette divergence philosophique, non résolue, continue d’empoisonner les relations bilatérales et pourrait compliquer la mission du nouvel ambassadeur en Afrique du Sud, appelé à jouer les médiateurs informels.
À l’heure où la région des Grands Lacs traverse une phase critique, le choix de KalungaJohn témoigne de la volonté congolaise de maintenir un canal diplomatique actif avec le géant sud-africain. Reste à savoir si cette nomination apaisera véritablement les tensions nées de l’affaire Nangaa ou si elle ne constituera qu’un répit temporaire dans une relation RDC-Kenya durablement fragilisée. L’efficacité de la diplomatie congolaise se mesurera à sa capacité à transformer ce poste stratégique en levier d’influence concret.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
